lundi 30 août 2010

Sale Temps !

L'empire du Temps
(clin d’œil à Magritte)



Temps.
Voilà bien un mot qui fâche, oui qui fâche !
On peut dire bien des choses sur le temps, mais faut-il d'abord savoir de quel temps on parle.
Du temps qu'il fait, ou du temps qui passe ?

La langue française (que j'adore soit dit en passant) a tout de même quelques défauts.
Celui là est de taille : un seul mot pour désigner l'état de l'atmosphère et la ronde des heures au cadran de l'horloge, c'est plutôt pingre, non ?
Dans les autres langues, il y a des mots différents.
En anglais : time désigne le temps du chronomètre, weather celui du baromètre.
En allemand : das Wetter pour la météo, et die Zeit pour le temps qu'on trouve toujours trop long, ou trop court, rarement à notre pointure. Die Zeit (prononcé à la française "disette") c'est long comme un jour sans pain (astuce mnémotechnique).

Avec ce temps, qui tour à tour se couvre de nuages ou disparaît dans l'éternité, difficile de s'y retrouver en français. Alors, les temps de chien et autres intempéries, ce sera pour une autre fois.

Aujourd'hui, là, tout de suite, maintenant, je vais prendre le temps de parler du temps qui passe.

Ce temps qui me cause de plus en plus de soucis, parce qu'il ne fait rien qu'à se dérober sous mes pas. Je passe mon temps à courir après lui, mais lui, il me fuit. Entre lui et moi, c'est je t'aime moi non plus.
Et, non content d'être insaisissable, il se dédouble et se multiplie à l'infini tout en demeurant inaccessible, voire intemporel.
Singulier dans sa course perpétuelle, il devient pluriel quand on évoque les temps anciens, ou les temps qui courent, les temps futurs, les temps forts, ou même les temps morts.



Ce n'est pas une pendule ordinaire,
c'est la pendule de mon enfance



Chose plus singulière encore, plus on avance en âge et plus le temps accélère son cours inexorable. C'est un fait dont on expérimente la réalité quand on a passé le cap de la soixantaine. Déjà, juste après avoir soufflé mes trente bougies, j'ai eu l'impression que quelque chose était changé dans la manière dont le temps s'écoule. Trente années plus tard, il n'y a plus de doute, c'est confirmé : plus on vieillit et plus le temps passe vite. Surtout le temps du train-train quotidien.

Ainsi, lorsque je repense au petit séjour passé loin de chez moi lors d'une virée en Belgique ces derniers temps, les cinq journées où j'étais toute occupée à visiter des lieux inconnus et à découvrir plein de choses passionnantes me semblent avoir duré plus longtemps qu'une semaine entière passée à la maison à ne rien faire de spécial.

À croire que le temps ne passe pas à la même vitesse selon à quoi on l'occupe. Le temps passé à surfer sur la toile est un temps à part. Il ne donne pas l'impression de s'être attardé(e) longtemps dans des ballades virtuelles, et pourtant ! il est passé à un vitesse telle qu'on se trouve tout éberlué en regardant la pendule en bas de l'écran avant d'éteindre l'ordinateur.
C'est la même chose qu'avec les jeux vidéo (une autre façon de vivre des aventures sans se fatiguer physiquement). Si vous êtes un(e) adepte, vous savez comme moi que le temps y passe d'un manière différente de la réalité. Surfer, jouer, voilà deux manières de faire passer le temps plus vite qu'à l'accoutumée.

Cette particularité est à rapprocher du phénomène inverse : celui qui fait qu'au sortir d'une siste où l'on a vécu en rêve toutes sortes d'aventures palpitantes, on s'aperçoit que ce court sommeil n'a duré qu'un petit quart d'heure, alors que dans la réalité il aurait fallu plus d'un jour pour vivre toutes ses péripéties.

Le temps serait-il élastique ? J'ai un doute sur ce point.
Rien de moins fantaisiste qu'une horloge, à moins qu'elle ne soit détraquée.
Ne dit-on pas réglé comme une pendule ?
Décidément, le temps n'est pas marrant.
Toutefois pour moi une chose est sûre :
chacun voit midi à sa porte.


D'après Baudelaire,
"Les Chinois voient l’heure dans l’œil des chats"

"Un jour un missionnaire, se promenant dans la banlieue de Nankin, s’aperçut qu’il avait oublié sa montre, et demanda à un petit garçon quelle heure il était.
Le gamin du céleste Empire hésita d’abord ; puis, se ravisant, il répondit : « Je vais vous le dire ». Peu d’instants après, il reparut, tenant dans ses bras un fort gros chat, et le regardant, comme on dit, dans le blanc des yeux, il affirma sans hésiter : « Il n’est pas encore tout à fait midi. » Ce qui était vrai."

L’Horloge (Le Spleen de Paris).


Tea Time -Henriette Ronner-Knip, 1905 (détail)
cliquer sur le lien ci-dessus pour voir le tableau en entier


Manifestement, dans les yeux de ce chaton, c'est five o'clock !





© VesperTilia, echos-de-mon-grenier 2010
texte et photos

8 commentaires :

  1. @Avignon
    23° à cette heure sur ta ville : pas de quoi fouetter un chat ;-)

    D'après Nathalie, ton avatar a l'air transis. Moi, j'ai plutôt l'impression qu'il est cramoisi :D

    RépondreSupprimer
  2. Ne coures pas après lui, autrement il va te coller à la peau. Ignores le, il est déjà assez visible dans la glace le matin !!! Rires !!

    Belle journée de 24 heures !!

    RépondreSupprimer
  3. @Patriarch
    Merci pour le conseil, je vais tâcher de le suivre, on m'a toujours dit d'écouter mes aînés ;-)

    Prends bien soin de toi, tes avis sont précieux. Que le temps te soit clément aujourd'hui et tous les autres jours.

    RépondreSupprimer
  4. Michel, la vie serait moins gaie sans toi !

    Tilia, dans les yeux du chaton c'est five o'clock? Ca me fait penser à un avis dans un pub australien : "happy hour, it's beer o'clock" !

    Quand est-ce qu'on boit pour oublier que le temps passe trop vite, comme les nuages dans une tasse de thé?

    RépondreSupprimer
  5. Bientôt Nathalie, bientôt !

    Nous descendons le 10 et serons sur Avignon la semaine suivante.

    RépondreSupprimer
  6. Un petit mot pour l'avignonnaise exilée : Bravo pour ce billet que j'aime beaucoup. Nos préoccupations sur le temps se rejoignent.

    RépondreSupprimer
  7. @Claudia Lucia :
    Merci d'être venue jusqu'ici et d'apprécier ma prose.
    Nous sommes bien d'accord, on ne peut pas échapper au temps. Il nous grignote un peu plus chaque jour avec ses grandes dents pointues comme des aiguilles !

    RépondreSupprimer