mercredi 7 décembre 2011

Childe Harold en Italie

Child Harold's Pilgrimage, poème de Lord Byron comportant quatre chants, fait partie des œuvres majeures du Romantisme qui ont eut une grande influence sur les Arts.
En poésie, "Le dernier chant du pélérinage d'Harold"  a été composé par Lamartine en hommage à Byron en 1825, l'année suivant sa  disparition.
En peinture, "Child Harold's Pilgrimage" est un tableau de Turner dont le titre et la dédicace sont issus du quatrième chant de Childe Harold, celui que Byron a rédigé en Italie. L'œuvre entière de Byron à profondément influencé Turner, ce sera l'objet d'un billet à venir.
En musique, Berlioz a donné le titre "Harold en Italie" à sa symphonie avec alto principal, composée en 1834 à la demande de Paganini.

Childe Harold's Pilgrimage (détail)

Childe Harold's Pilgrimage (en français Le Pèlerinage de Childe Harold) est un poème de Lord Byron (1788-1824), dont les deux premiers chants furent écrits entre 1809 et 1811, lors de son voyage en Méditerranée. Un périple que Byron entreprit pour tenter de corriger ses mauvais penchants, qui jusqu'alors l'avaient entraîné dans des excès de toutes sortes, mettant son honneur, sa fortune et même sa santé, en danger. À propos du voyage de Byron, certains auteurs parlent de son "Voyage en Orient" et d'autres de son "Grand Tour". Grand Tour me paraît plus adapté au voyage de Byron qui, en fait d'Orient, n'a guère dépassé Constantinople. De plus, l'équivalent de l'expression "Grand Tour" étant "Tour du Chevalier", voila qui colle parfaitement avec le Childe du titre du poème. Voyons pourquoi...

George Gordon Byron, 6th Baron Byron
Richard Westall - 1813
National Portrait Gallery, London (lire la notice)
...
Childe Harold's Pilgrimage (texte en français) est un long poème narratif qui relate les péripéties et impressions de voyage d'un personnage prénommé Harold qui, désabusé par une vie de plaisirs et d'oisiveté, cherche une nouvelle vie en pays étrangers. Au Moyen-Âge, le mot Childe désignait le fils d'une noble famille destiné à devenir chevalier. De ce fait, en même temps qu'un cheminement physique de Childe Harold, le titre du poème évoque un accomplissement intérieur, qui correspond à la recherche d'une rédemption par le voyage.

De même le mot pèlerinage (pilgrimage) employé de préférence à "voyage", sous-entend une intention spirituelle. Les aventures de Childe Harold sont largement inspirées par celles des voyages de son auteur (Byron lui-même l'ayant reconnu). Indice supplémentaire si c'était besoin, Childe Harold est à rapprocher de "Child of Harrow", la Harrow School étant l'école où Byron fit une partie de sa scolarité.
Cependant, le Chevalier Harold n'est pas Byron. Même si Byron aspirait secrètement à le devenir. « La plus grande tragédie de l'homme est qu'il est capable de concevoir une perfection qu'il ne peut atteindre » a-t-il écrit dans sa préface au troisième chant du poème.

Childe Harold's Pilgrimage
Joseph Mallord William Turner - 1832
Tate Britain, Londres (lire la notice)
Pour "zoomer" sur ce tableau, cliquez ici, puis sur la vignette correspondante, afin de voir la vidéo
Childe Harold est le personnage en habit de moine, debout près d'une femme


Le Grand Tour de Lord Byron a duré deux ans. Parti de Falmouth le 18 juin 1809, Byron fut de retour dans son pays natal en juillet 1811. Durant ce voyage, il a  traversé divers pays bordant la Méditerranée et séjourné plus ou moins longtemps dans certains d'entre eux, tels la Grèce et l'Albanie, alors sous domination ottomane.

Ces deux pays ont particulièrement marqué Lord Byron. Tandis que le sort des Grecs, écrasés par les Turcs, l'émut au point de faire naître en lui un philhellénisme qui finit par lui coûter la vie, le peuple albanais, mélange de maraudeurs chrétiens et musulmans, fit une vive impression sur son imagination. Dans les notes de Childe Harold il dépeint la beauté des femmes et leur gracieuse démarche, ainsi que le courage et l'hospitalité des hommes. Ces rudes montagnards albanais lui rappelaient ceux qu'il avait connus dans son enfance en Écosse.


Armatole
aquarelle de Carl Haag
Clan Maclachlan
R. R. McIan - 1845
"The Clans of the
Scottish Highlands"
Pour Lord Byron, la nature vindicative et l'organisation clanique des albanais résistants aux Turcs évoquaient les Highlanders de son enfance. Le kilt des écossais, analogue à la fustanelle des Klephtes, pouvait sans doute produire cette impression.


Lord Byron en costume albanais
Thomas Phillips - 1813-14
Government Art collection, Londres (lire la notice)
C'est lors de son séjour en Grèce que Byron a commencé à composer Childe Harold. Il en a écrit maintes  strophes sur le Parnasse. Dans ses mémoires (qui ont été recueillies et publiées par Thomas Moore) il précise en avoir achevé les chants I et II à Izmir le 28 mars 1810. Leur publication, deux ans plus tard par la maison John Murray, connut un succès immédiat. En cinq jours le premier tirage fut épuisé. Ainsi, avec Childe Harold, Lord Byron entra dans la célébrité.


Un soldat sur le champ de bataille
Horace Vernet - 1818
Norton Simon Museum, Pasadena, Californie (lire la notice)
Le troisième chant de Childe Harold a été composé en 1816 par Lord Byron, à la suite de son passage en Belgique durant lequel il se rendit sur le champ de bataille de Waterloo, un an tout juste après l'ultime combat qui fit tomber douze mille hommes gisant pour toujours sur cette morne plaine.

Le texte complet de ce troisième chant fut rédigé à la villa Diodati, lors du séjour de Byron et de ses amis en Suisse, au bord du lac Léman. Là où  Byron écrivit également le brouillon d'une histoire fantastique, que John Polidori utilisera plus tard pour sa nouvelle intitulée Le Vampyre. Un thème que Byron avait déjà abordé dans son poème Le Giaour publié en 1813. Dans sa nouvelle, Polidori se sert de l'image de Lord Byron en tant que héros romantique pour façonner son personnage principal.

Quant au quatrième et dernier chant de Childe Harold, c'est en Italie, plus précisément lors de son séjour à Venise, que Byron l'écrivit. Le 20 juillet 1817 il envoie à John Murray, son éditeur et ami, une missive l'informant qu'il vient de mettre le point final à son poème. Sa lettre à peine envoyée, il entame son Don Juan. Une œuvre qui n'a plus rien de romantique et qui demeure inachevée en raison de la mort prématurée du poète.

L’Arrivée de Byron à Missolonghi
Theodoros Vryzakis - 1861
Alexandros Soutzos Museum, Athènes (lire la notice)

Comme j'en ai déjà parlé un peu plus haut, Lord Byron fut victime de sa sympathie pour la cause des Grecs, alors en guerre contre l'oppression ottomane qu'ils subissaient depuis quatre cents ans. Lors de son premier séjour dans ce pays, il avait attrapé une forte fièvre (peut-être déjà la malaria...) et n'avait dû sa survie qu'au dévouement de deux fidèles amis Albanais qui, après avoir menacé son médecin s'il ne parvenait pas à le guérir rapidement, lui avait prodigué tous les soins nécessaires pour le remettre sur pieds.

Trois mois après son arrivée à Missolonghi, assiègée par les Turcs depuis presque deux ans, Byron fut terrassé par une reprise de la fièvre qui avait déjà failli le tuer en 1810, mais surtout par l'incompétence des médecins diafoireux qui ont tenté de le soigner.

Lord Byron sur son lit de mort
Joseph-Denis Odevaere - 1826
Groeninge Museum, Bruges (crédit photo et autres tableaux du peintre)
On remarquera que le peintre a eu la délicatesse de couvrir le pied droit
(et de le représenter à une taille normale, alors que Lord Byron était affligé d'un pied-bot)

Le 19 avril 1824 un des plus grands poètes romantiques disparaissait, il avait trente six ans.


L'hommage de Lamartine

Dans "Le dernier chant du pélérinage d'Harold", Lamartine emploie bien évidemment le nom d'Harold pour évoquer Lord Byron. Le quatrième "couplet" (terme qu'employait Lamartine, puisqu'il s'agit d'un chant) commence ainsi :

Mais où donc est Harold ? Ce pèlerin du monde
Dont j'ai suivi longtemps la course vagabonde,
A-t-il donc jeté l'ancre au midi de ses jours,
Ou s'est-il endormi dans d'ignobles amours ?
Ai-je perdu ce fil de mes sombres pensées,
Qui, marquant de mes pas les traces effacées,
M'aidait à retrouver moi-même dans autrui ?
Mystérieux héros ! c'était moi, j'étais lui,
Et, sans briser jamais le nœud qui les rassemble,
Nos deux cœurs, nos deux voix sentaient, chantaient ensemble.

Pour lire le reste du poème, cliquez ici.


La musique de Berlioz


 Harold en Italie
Hector Berlioz - Symphonie avec solo d'alto, Opus 16

Note sur les quatre mouvements de la symphonie
1. Harold aux montagnes - Scène de mélancolie, de bonheur et de joie
La musique s'élève jusqu'à un fortissimo impressionnant et d'humeur farouche, suggérant le spectacle des montagnes vues au travers des nuages. Puis, un changement dramatique mène à une clarté brillamment ensoleillée. Accompagné par la harpe, l'alto solo joue le thème d'Harold, mélodie généreuse nimbée d'une certaine mélancolie.
2. Marche des Pèlerins chantant la prière du soir
L'approche de la procession dans le vaste paysage vespéral et sa disparition dans le crépuscule est rythmée par un son de cloches qui revient constamment. Les sentiments éprouvés par Harold durant le passage progressif du jour à la nuit vont de la satisfaction à une impression d'angoisse et de solitude.
3. Sérénade d'un montagnard des Abruzzes à sa maîtresse
L'inspiration de ce morceau fut puisée chez les pifferari, musiciens errants qu'en Italie Berlioz aimait écouter.
4. Orgie de brigands - Souvenirs des scènes précédentes
Après un rappel des thèmes précédents, celui d'Harold devient de moins en moins distinct, avant que n'éclate la musique des brigands sauvagement rythmée et variée. Soudain un pause intervient et l'on entend dans le lointain l'écho de "La Marche des Pèlerins" à laquelle la voix d'Harold répond brièvement mais ses commentaires nostalgiques sont rapidement balayés et l'orchestre tout entier prend feu de nouveau pour amener avec une énergie croissante le mouvement à sa brillante conclusion.
(d'après un texte de David Cairns)






Ceci est ma deuxième contribution au Challenge Romantique de Claudialucia





©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2011

22 commentaires:

  1. Coucou Tilia !

    Je suis toujours ravie par la richesse de tes billets mais celui est grandiose. Mille mercis pour tout ce que je viens d'apprendre, et Bravo pour tout ce travail de recherche.
    Merci pour la découverte de cette sérénade de Berlioz, j'ai relu ton billet en l'écoutant... Merveilleux.
    Bisous

    Nathanaëlle

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  2. Bonjour Tilia.
    Il est tôt, la pleine lune a déjà sur moi ses effets. Mais qu'il est bon d'avoir une insomnie pour voir le temps de te lire.
    Que c'est intéressant et instructif tout cela, Tilia, Je vais me coucher ce soir enrichie de tes connaissances.
    C'est vrai, tu fais un travail de recherches incroyable.
    Je repasserai écouter la musique, pour l'instant, mon Chéri dort encore.
    Pour la suspension de la cuisine, lundi prochain on va au Mans. Nous allons faire les magasins de luminaires pour trouver qq chose de sympa et qui éclaire bien. Mon Chéri veut la bazarder, d'autant qu'il se coche souvent le tête dedans.
    A't'à l'heure !

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  3. Je ne suis jamais allé au théâtre.

    Les tableaux sont magnifiques et je suppose que la représentation devait l'être aussi... Bises

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  4. Quel travail ! Tu fais un vrai boulot de documentaliste . je vais prendre le temps de lire tout ceci . Parfois j'imprime car , j'ai diffcile à lire de longs textse sur l'ordi . Pour la musique pas de soucis ;-)

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  5. Une copieuse et riche contribution.
    Notre poète qu'elle noble cause embrasserait-il aujourd'hui ? Il n'en manque pas à travers le monde de souffrance qui est le nôtre. C'est plutôt l'idéal romantique qui manque le plus.

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  6. Dans ce tableau de Turner (peintre pour lequel tu sembles, chère Tilia, avoir une prédilection toute particulière), le pin parasol n'est-il pas le personnage principal ?

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  7. Pas mieux que Nathanaelle!!! Merci Tilia!

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  8. Un beau et riche travail pour cette seconde participation au challenge : bravo Tilia et merci! je reviendrai écouter la musique plus calmement à un autre moment.j'ai commencé mais ma petite fille me réclame.
    Je pense parler de tes billets mardi prochain dans le cadre de l'invitation au romantisme dans les autres blogs.

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  9. Quel billet remarquable! Merci pour le lien qui m'a permis de télécharger le texte quoique, lire de la poésie sur écran...je fatigue vite. J'ai téléchargé le texte original maintenant je pourrai comparer les deux!
    C'est surtout le Byron philhéllène qui m'intéresse mais tous ces développement musicaux sont passionnants

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  10. Quel talent en effet, tu te dépasses dans chaque billet :-)
    Non, sincèrement, que d'infos minutieusement concoctées, de quoi faire ravir les amoureux et de la peinture et de l'écriture.

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  11. Je n'ai rien tricoté mon Matti, j'ai fait la chaussette de Noël.
    Je n'ai rien tricoté because que je me suis pris un râteau avec mon autre belle fille (d'ailleurs qui ne l'est plus, et c'est tant mieux !). J'avais tricoté des petites brassières avec culottes assorties et Maman avait fait les petits chaussons. Tout cela de couleurs différentes. Un jour que je n'avais toujours pas vu Bébé Lucas dans un de mes petits ensembles, j'ai fini par faire une gentille réflexion et là la maman m'a dit que Lucas était un bébé moderne. Tu comprends pourquoi je n'ai pas tricoté pour Matti. En compensation, nous lavons donné de l'argent aux parents.
    Bonne journée Tilia !

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  12. Chère Tilia
    A la lecture de ton com, Je me suis empressé de corriger mon dérapage de clavier. Je voulais écrire bébé rose.
    Je tape très vite et je ne vois pas toujours mes fotes.
    De quelle suspension tu parles ?
    T'es sûre que c'est moi qui ait écrit se cocher la tête, Ce n'est pas une autre Claude ?
    J'espère que je ne fais pas un début de perte de mémoire, ça serait grave.
    Je retourne en arrière sur mon blog pour voir si je déblogue.

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  13. Incroyable, passionnant ton billet, la musique.
    Quel travail de recherche.

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  14. Quel billet ! Il est plus que parfait ! Un enrichissement à chaque fois que j'ouvre ton blog ! Bravo !
    J'aime la musique aussi !
    Byron, le grand voyageur méritait ce bel article ! Avec Turner et Lamartine Berlioz....
    Très bon week-end à toi !

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  15. Se cocher la tête pourrait être une expression sarthoise, mais pas du tout, c'est simplement que je me suis emmêlé les dix doigts sur mon clavier. Je voulais dire tout simplement "cogner". Il va falloir que blogger nous trouve un correcteur de fautes de frappe.
    Bonne journée et bises.

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  16. chère merveilleuse, est-ce que ton étoile de Noel devient de plus en plus brillante chaque jour?
    la lumière de ces photos c'est très sensuelles.

    Que la lumière de l'avent soit avec vous.
    bises.

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  17. Bonne nuit Tilia, vu l'heure.
    Yé souis en pleine insomnie.
    j'ai déjà ramassé des bolets sous mes bolets, pas beaucoup à chaque fois, juste pour une omelette, mais cette année, que dalle !
    Automne sec et chaud et il s'est mis à pleuvoir trop tard. D'ailleurs, les paxilles enroulés et les champipis nains de jardin sont très en retard cette année..
    Je ne sais si je vais arriver à dormir cette nuit, il y a encore de la lune.

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  18. Bienvenue au club !
    Je vais quand même essayer d'aller dormir ; demain matin je me lève tôt, je pars en visite de clientèle avec mon Chéri au Mans.
    Bonne nuit !

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  19. Un grand merci à toutes et à tous pour vos gentils messages.

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  20. Quel article intéressant et bien illustré! je me suis aussi intéressée ) Byron et à Childe Harold. A vrai dire le poème ne m'a pas tellement accrochée (peut être parce que j'ai voulu le lire sur ma liseuse et que les vers n'apparaissent pas bien sur 'lécran) mais la personnalité de Byron est tout à fait intéressante

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    1. Merci Miriam, pour ton appréciation positive.
      Voici le lien pour lire pleine page le poème mis en ligne par Gallica. Est-ce mieux, ou moins bien, que sur ta liseuse ? tu me le diras...

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