vendredi 24 février 2012

Revenons à nos moutons



"L’artiste est un mouton qui se sépare du troupeau"

Le troupeau de bergers
François Knopf - 2007


La citation du début de ce billet pourrait être une entrée en matières pour des réflexions sur l'Art, le destin de l'artiste, ou la notion d'œuvre d'art. Mais ce ne serait pas très distrayant !

Il y a assez de prises de tête en ce moment, avec la campagne qui commence à battre son plein et plein de gens qui battent la campagne.
J'ai besoin d'une petite récréation.




Un mouton faisant de l'art dans un patelin pour moi c'est préférable à un avocat papelard et patelin !


Pour revenir à Shaun le mouton, si vous l'aimez cliquez là.


Bonne fin de semaine à toutes et à tous !


©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

lundi 20 février 2012

Ouvrage d'art

"Ouvrage d'art", un titre qui peut paraître bien ronflant pour la publication de la solution de la photo mystère de mon billet précédent.
Et pourtant, c'est bien d'un ouvrage d'art qu'il s'agit.

Ouvrage d'art

Certains d'entre vous avaient partiellement deviné ce que représente ma fameuse photo sans légende.

Sans légende

Oui Chri, c'est bien un pont d'autoroute (d'une autoroute ridiculement courte soit dit en passant !)

Oui Avignon (alias Chem Hinault), il s'agit bien des piles d'un viaduc à double voie, mais pas d'un viaduc ferroviaire.

Oui Christineeeee, c'est bien un pont en béton qui enjambe une rivière, un fleuve plus précisément.

Oui, Jeandler et Herbert, c'est bien un pont sur la Seine.

Sans plus tourner autour des piles du pont, je vous livre la solution de l'énigme.
Ce viaduc se trouve dans les Yvelines. C'est celui qui permet à l'autoroute A14 (pas plus d'une vingtaine de kilomètres entre La Défense et Orgeval) d'enjamber la Seine entre les communes de Montesson (rive droite) et Le Mesnil-le-Roi (rive gauche).

Viaduc de l'A14 

L'autoroute A14 a été ouverte à la circulation en 1996, à la fin des travaux d'aménagement du viaduc. Le coût total de sa construction a été de 4,5 milliards de francs (690 millions d'euros). Sans doute en raison de son péage élevé, cette autoroute n'est pas très fréquentée. Toutes proportions gardées, le trafic des péniches sur la Seine semble plus important que celui des véhicules passant sur le viaduc !

Péniche porte-conteneurs sur la Seine

C'est pourtant une autoroute à deux fois deux voies, plus une voie d'arrêt d'urgence, qui passe sur le viaduc et s'engouffre sous la terrasse, puis sous la forêt de Saint Germain-en-Laye en direction d'Orgeval, où elle rejoint l'autoroute A13.

Séparation entre les deux voies
(cliquer pour agrandir)

Vous aimeriez voir à quoi ça ressemble vu de dessus, sans avoir à régler le coût du péage ? Rien de plus facile, la Google-car et son appareil photo sont passés par là


cliquer dans l'image pour vous déplacer sur le viaduc et aller vers l'entrée du tunnel



Revenons un instant à l'ouvrage d'art. Pour voir son plan à vol d'oiseau, cliquez ici. Structurae présente ici ses caractéristiques, ainsi qu'une série de dix-neuf vues, dont celle de la pose du tablier lors de la construction, une photo à retrouver en grand format parmi les photos de l'A14 sur Wikimedia Commons.


Viaduc de l'A14 vu depuis la berge de Montesson

Mes photos datent d'hier, alors que le temps était nuageux et la lumière fluctuante. Elles sont prises depuis le chemin de halage qui passe sous le viaduc, côté Montesson. Celles de Structurae ont été prises depuis la rive opposée, sur la commune du Mesnil-le-Roi.

Le tablier du viaduc et le chemin de halage

Le dimanche, le chemin de halage est fréquenté par de nombreux promeneurs et cyclistes, d'autant plus qu'il donne accès au très agréables Parc départemental de la Boucle de Montesson. Mais hier les promeneurs étaient rares. Malgré les éclaircies, le vent était présent et rafraichissait encore une température qui ne dépassait pas les 6 à 7°.


Péniche sur la Seine et viaduc de l'A14

Le viaduc entre Le Mesnil-le-Roi et Montesson n'est pas le seul ouvrage d'art de l'autoroute A14. Le tunnel qui lui permet de traverser la forêt de Saint Germain-en-Laye sans dommage pour l'environnement en est un second. Et, dernier cité mais pas des moindres, le viaduc qui enjambe une première fois la Seine, peu après le départ de l'autoroute à La Défense., entre Nanterre et Carrières-sur-Seine, présentation et photos. Ce viaduc prend appui sur l'Île Fleurie, voir une superbe photo ici.

Pour terminer ce billet, une photo de l'étang de l'Epinoche, prise hier dans le Parc de la Boucle de Montesson dont je reparlerai sûrement ici aux beaux jours.

Étang de l'Épinoche



Photos et texte
©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

vendredi 17 février 2012

Sans légende

Pas de légende à la photo ci-dessous
(ni retouchée, ni recadrée)


À vous de deviner de quoi il s'agit
et où ça se trouve...


photo personnelle, ne pas copier SVP.
    


Bonne chance à toutes et à tous.
Même s'il n'y a rien à gagner
j'espère que vous aurez plaisir à jouer !


Tous les commentaires sont enregistrés
mais tenus secrets durant deux ou trois jours
afin de permettre à tout le monde de chercher.
Ils seront tous publiés au plus tard lundi soir.


EDIT de vendredi 14 heures
Au vu des réponses déjà obtenues, j'ajoute que le but du jeu est de déterminer (par déduction) se trouve géographiquement cet édifice et d'indiquer précisément le nom de ce dont il fait partie.
Bon week-end, à bientôt

EDIT de samedi 17 heures
Indices : péage, Yvelines

©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

mardi 14 février 2012

L'amour est bleu

« Malgré les difficultés de notre monde, je n'ai jamais renoncé en mon for intérieur à l'amour dans lequel j'ai été élevé, pas plus qu'à l'espoir de l'homme dans l'amour. Comme sur la palette d'un peintre, il n'y a dans notre vie qu'une seule couleur qui donne un sens à la vie et à l'art, la couleur de l'amour. » Marc Chagall


Les Amants Bleus
Marc Chagall - 1914 (collection privée)

Le rêve, la poésie, le monde de son enfance en Russie et...
l'Amour tendre ont inspiré toute l'œuvre de Chagall.
Peynet a dessiné les amoureux. Chagall les a peint. Souvent en bleu.

Le Songe
Marc Chagall - 1984 (collection privée, Berne)

Le Songe, ci-dessus, a été peint par Chagall en 1984, un an avant son décès et très exactement soixante-dix ans après Les Amants Bleus de 1914. Toute sa vie Chagall a représenté l'Amour comme un rêve heureux, un rêve d'envol dans le ciel bleu.

Bella Rosenfeld, 1910-11
En 1909, quand Marc Chagall rencontre Bella Rosenfeld, il a vingt-deux ans et elle quatorze. Entre les deux jeunes gens, c'est le coup de foudre, immédiat et définitif. Mais Bella est trop jeune pour épouser Marc. De plus, ses parents bijoutiers ne sont pas favorable à l'union de leur fille avec un jeune peintre sans le sou. Séparés durant six ans, les amoureux vivront leur amour par correspondance avant de pouvoir se marier le 25 juillet 1915, Bella ayant alors vingt ans et Marc ving-huit.

« Elle se tait, moi aussi. Elle regarde - et, bon Dieu, ses yeux ! - moi aussi. Comme si nous étions familiers il y a beau temps et elle sait tout sur moi : mon enfance, ma…vie et ce qu'il m'adviendra… Et j'ai compris : c'est ma femme. » se souvient Marc Chagall dans "Ma vie".


Les Amants Verts
Marc Chagall - 1914 (collection privée)

Le Mariage
Marc Chagall - 1918 (collection privée)

En 1920 Chagall quitte Vitebsk, où il vivait depuis son mariage. À la suite d'un différent avec Malevitch, il part travailler à Moscou, emmenant avec lui Bella et Ida leur fille de quatre ans. Deux ans plus tard, ils quitteront définitivement la Russie. Chagall gardera toujours au fond de lui les souvenirs heureux de cette période de sa vie. Une nostalgie dont la couleur imprègne la maison bleue où il habitait avec sa famille.


La Maison Bleue
Marc Chagall - 1920 (Musée d’Art moderne et d’Art contemporain, Liège)

« Ma chambre s'éclairait du bleu foncé, tombant de la fenêtre unique. La lumière venait de loin : de la colline, où se trouvait l'église. »

Les Amoureux
Marc Chagall - 1929 (Tel-Aviv Museum)

« J'aime infiniment mon Vitebsk natal non parce que là je suis né, mais, en premier lieu, parce que j'y ai trouvé une couleur de mon art pour toute ma vie… »


Les Amoureux à la demi-lune
Marc Chagall - 1926 (Stedelijk Museum, Amsterdam)


Toujours sous la lune, c'est sur le toit de la maison bleue que se retrouvent les amoureux de 1927. Quand Chagall peint Les Amants sur le Toit, il vit à Paris et cela fait déjà plus de douze ans que ses rêves nocturnes inspirent sa peinture. Parmi les tableaux qui restent de lui, L'anniversaire est celui où pour la première fois le transport amoureux propulse les amants en lévitation.

Les Amants sur le Toit
Marc Chagall - 1927 (Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique)

Dès lors, Marc et Bella ne cesseront de planer, enlacés pour l'éternité.

Les Amoureux dans le Lilas
Marc Chagall - 1930 (collection privée)



Marc & Bella en 192
En 1941 Chagall et sa famille, sont forcés de quitter la France où une rafle a failli enlever Bella, ce qui a précipité leur départ pour New-York. Lorsque le 2 septembre 1944, Bella décède brutalement d'une infection virale, Marc est anéanti. Il sombre dans une dépression qui va durer plus de neuf mois. Une période de deuil durant laquelle il sera incapable de tenir un pinceau. Toutes les toiles inspirées par sa femme sont retournées contre les murs et il lui est impossible de se rendre dans aucun des endroits qu'ils avaient coutume de fréquenter ensemble.

Dans son éloge funèbre, le chroniqueur du New-York Times déclara que Bella avait été le seul modèle de son mari pendant la trentaine d'années de leur vie commune, ce qui avait considérablement marqué son œuvre.


Hommage au Passé
Marc Chagall - 1944-45 (collection privée)

Après la disparition de celle qui fut « le sens de ma vie, mon inspiratrice. », Chagall continuera inlassablement à peindre sa Muse. Dans l'hommage qu'il lui rend ci-dessus (un tableau commencé avant la date fatidique, puis remanié après la période de deuil) Chagall représente sa femme à Vitebsk, l'inspirant toujours par delà la tombe.

Autour d'Elle
Marc Chagall - 1945 (Musée d'Art Moderne, Paris)

Dans ce tableau, le souvenir de Bella met la tête de Marc à l'envers, mais son talent demeure intact et ses pinceaux teintent son chagrin de poésie onirique.


Bouquet aux Amoureux en vol
Marc Chagall - 1947  (collection privée)

Le temps passe. L'amour de Bella ne quitte pas Chagall. Inlassablement il peint le souvenir de leurs épousailles.


Les Amoureux près du Pont
Marc Chagall - 1948  (collection privée)

Atmosphère nocturne, le pont n'est pas un de ceux qui enjambe la Seine, plutôt celui qui traverse la Daugava.


Le Soir à la Fenêtre
Marc Chagall - 1950  (collection Rosengart, Lucerne)

Le soir venu, le coq (symbole de désir) vole vers les amants tendrement enlacés qui contemplent la lune par la fenêtre de leur maison sur la rive de la Daugava.


Saint-Jean-Cap-Ferrat
Marc Chagall - 1952  (litographie)

En 1952, Ida Chagall se marie. C'est à cette occasion que Valentine Brodsky, qui se trouvait parmi les invités à la réception du mariage, rencontra Marc Chagall. C'est Ida, bien entendu, qui a présené cette jeune femme de quarante ans à son père... allant vers les soixante-cinq. Issue d'une famille juive de Russie, Valentine est une femme d'affaire qui tient une grande boutique de modiste à Londres. Elle devient la secrétaire de Marc, qui ne tarda pas à succomber au charme de sa Valentine. Marc et Valentine s'épousèrent le 12 juillet 1952. Cependant celle qu'il appellera affectueusement "Vava" ne remplaça jamais tout à fait Bella dans l'imaginaire et le cœur de Marc Chagall.


Le Champs de Mars
Marc Chagall - 1954  (Museum Folkwang, Essen)



Les Jeunes Mariés et le Violoniste
Marc Chagall - 1956  (collection privée)

Les jeunes mariés peint pas Chagall quatre ans après sa seconde union ne représentent pas son mariage avec Valentina. C'est toujours Bella et Marc "for ever" qui sont à la noce dans les rues de Vitebsk.


Le Ciel de Paris
Marc Chagall - 1973  (collection privée)

Le Ciel de Paris représente un amoureux très coloré, portant le masque du désir derrière la tête. Il tient par la main une jeune femme qui le regarde tendrement. Est-ce Bella, est-ce Vava ? le décor se réfère plutôt à l'époque où il habitait à Paris avec Bella et Ida.


Le Songe
Marc Chagall - 1978  (collection privée)

De nouveau, Chagall rêve de sa vie passée, du temps où son bonheur était intact à Paris avec Bella.


Les Jeunes Mariés
Marc Chagall - 1983  (collection privée)

En 1983 Chagall est dans sa quatre-vingt-seizième année et il peint toujours. Valentina demeure fidèlement auprès de lui dans leur maison de Saint-Paul-de-Vence. Cependant, c'est toujours son mariage avec Bella qu'il représente inlassablement.

Portrait de Vava
Marc Chagall - 1966  (collection privée)

En cherchant bien j'ai trouvé un portrait de Valentine. Chagall lui a peint le visage en vert, le même vert qu'il a très souvent utilisé pour son propre visage dans les tableaux le représentant avec Bella...

Source pour ce billet : Marc Chagall par Jacob Baal-Teshuva, éditions Taschen 2003

Dans la vidéo ci-dessous, sur la très belle musique de Send in the Clowns (composée par Stephen Joshua Sondheim) vous verrez défiler en peintures la "love story" de Chagall.






Pour terminer cette note bleue, voici la chanson qui lui donne son titre. Suite à sa participation au Concours Eurovision de1967, la toute jeune Vicky Leandros remporta avec "L'Amour est bleu" un succès international.







Bonne St Valentin à tous les amoureux !



©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

vendredi 10 février 2012

Saute, mouton ! le bonheur est dans le pré

La vague de froid persiste et signe.
Du coup, je rajoute une petite laine à la précédente. Sans la jolie couverture neigeuse de Joseph Farquharson, cependant.

Bélier
Rosa Bonheur  - env. 1845-50
Indianapolis Museum of Art (voir la notice)

Picturalement, suivez le mouton me parait plus intéressant que le vieux slogan "suivez le bœuf".

C'est donc avec bonheur que je poursuis aujourd'hui mon exploration de la peinture animalière commencée dans le précédent billet. Tout d'abord, je ne résiste pas au plaisir de vous montrer la vidéo ci-dessous, tellement elle est réjouissante. Les moutons écossais y sautent d'une manière tout à fait jubilatoire.

Sheep in Scotland


Comme Joseph Farquharson, Rosa Bonheur a peint des moutons. Et qui plus est, des moutons écossais... mais sans la neige.

Marie Rosalie Bonheur, dite Rosa Bonheur, est née à Bordeaux en 1822 et elle est décédée à Thomery, Seine-et-Marne en 1899. Peintre animalière de grand talent et douée d'un sacré tempérament, Rosa a vécu très librement. À la suite de George Sand, elle fut une pionnière de la cause féministe. Profitant du chemin ouvert par son aînée, elle a été une des premières femmes à porter le pantalon.

Rosa Bonheur dans son atelier
George Achille-Fould et Rosa Bonheur - 1893
Musée des Beaux-Arts de Bordeaux (lire la notice)

Rosa Bonheur est issue d'une famille d'artiste. Les anglophones pourront lire cette passionnante biographie, pleine d'anecdotes savoureuses sur son enfance et sa carrière. Autre biographie de Rosa sur le site du château de By où elle avait son atelier (de belles photos ici).

À présent, revenons à nos moutons écossais, ou plutôt à ceux de Rosa.


Moutons dans les Highlands
Rosa Bonheur - 1857
Wallace Collection, London (notices du musée)

Exposé au Salon en 1853, le "Marché aux chevaux" ouvrit à Rosa Bonheur les portes du succès international. Le tableau fut immédiatement repéré par l'éditeur et marchand d'art londonien Ernest Gambart, qui acheta le Marché aux Chevaux pour le présenter dans sa galerie de Pall Mall. L'année suivante Gambart fit venir Rosa au Royaume-Uni et l'emmena dans une tournée triomphale à travers l'Angleterre et l'Écosse, ce qui la rendit extrêmement populaire auprès du public britannique.


The Highland Shepherd
Rosa Bonheur - 1859
aquarelle (localisation inconnue)

Au cours de sa tournée britannique, Rosa Bonheur rencontra la reine Victoria en audience privée pour lui montrer son Marché aux Chevaux et elle se lia d'amitié avec Sir Edwin Henry Landseer, autre peintre animalier de talent, qui reconnu volontiers en elle une émule. Ainsi, entre 1854 et 1865 Rosa séjourna en Écosse à plusieurs reprises.


Moutons aux pâturages d'Été
Rosa Bonheur - date inconnue (crédit photo)

Bien que Christie's n'ait pu indiquer la date de cette peinture et que son titre ne précise pas le lieu de la scène, il est évident qu'elle a été réalisée lors d'un séjour de Rosa Bonheur en Écosse. Les moutons Shetland diversement colorés y sont parfaitement reconnaissables.


Moutons dans la barque ou Changement de pâturage
Rosa Bonheur - 1863 (Salon de 1867)
Hamburger Kunsthalle, Hamburg, Germany

Du temps de Rosa Bonheur, les moutons écossais traversent le loch dans une embarcation pour changer de pâture. En est-il toujours de même à présent ?...


La Panique (The Stampede)
Rosa Bonheur - date et localisation inconnues (crédit photo)

Une belle débandade ! Ici les bergers bastonnent les bêtes pour tenter de rétablir l'ordre. Il suffit de pas grand chose pour provoquer la panique dans un troupeau de vaches ou de moutons. On peut imaginer que lorsque Rosa Bonheur a vu des Highland Cattle, échappés de leur enclos, foncer sur un troupeau de moutons, elle a enregistré force croquis dans ses calepins, afin de recréer la scène plus tard dans son atelier.


Moutons au bord de la Mer
Rosa Bonheur - 1865
National Museum of Women in the Arts, Washington (lire la notice)


Ce tableau est une commande de l'impératrice Eugénie qui, comme son homologue britannique la reine Victoria, appréciait beaucoup la peinture de Rosa Bonheur. En 1865, Rosa a reçu la Légion d’honneur des mains de l'impératrice venue la lui remettre dans son atelier de By.


Berger des Pyrénées donnant du sel à ses moutons
Rosa Bonheur - 1864
Musée Condé, Chantilly

Le duc d’Aumale commanda ce tableau en 1864 pour la duchesse d’Aumale. La comtesse de Ségur servit d’intermédiaire entre l’artiste et le prince, alors exilé en Angleterre. Le tableau plut tellement au duc et à la duchesse, que celui-ci doubla le prix convenu avec Rosa Bonheur. En 1894, Rosa Bonheur fut invitée à déjeuner à Chantilly, en compagnie de son vieil ami Auguste Cain. (source : notice du musée de Chantilly).


Berger des Pyrénées
Rosa Bonheur - 1888
Royal Pavilion Museum, Brighton (notice)

À partir de 1850, Rosa Bonheur séjourna plusieurs fois dans les Pyrénées. De ces séjours sont issus plusieurs tableaux, pas seulement des troupeaux de moutons. Des mulets, des chevaux et divers ovins l'inspirèrent, sans oublier les montagnes.

Moutons pâturant dans les Pyrénées
Rosa Bonheur - date non précisée
Dahesh Museum of Art, New-York  (notices)

Par leur situation au bord d'un précipice, les moutons pyrénéens de Rosa (tableau ci-dessus) me rappellent les brebis égarées sur la côte anglaise peintes en 1852 par William Holman Hunt.



Strayed Sheep
William Holman Hunt - 1852
Tate Britain, Londes (lire la notice)

Avant de refermer la porte du bercail de Rosa Bonheur, je laisse entrer les gentils moutons de son frère Auguste (de deux ans plus jeune qu'elle).


Moutons dans un pâturage
Auguste Bonheur
Waddington's, Canada


Moutons dans une ferme
Auguste Bonheur
Waddington's, Canada


En espérant que ces moutons du bonheur vous ont plu, j'annonce d'ores et déjà aux nostalgiques (s'il y en a...) des petits moutons de Joseph Farquharson, qu'une prochaine parution de moutons dans la neige, par un autre peintre à découvrir, est en cours d'élaboration. Bêêêehh oui ! quand on aime on ne compte pas.
Ami(e)s, insomniaques de tous poils, à bientôt !



©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012

samedi 4 février 2012

Winter Wonderlambs

À la chandeleur, l'hiver passe ou prend vigueur. Je cite de mémoire...
Pour vérifier, cliquez là.
De toutes manières c'est la vigueur qui est d'actualité !


The shortening winter's day is near a close (détail)

Février déboule, apportant avec lui la neige et le froid qui ont manqué aux fêtes de Noël et Jour de l'An. Alors, si vous avez la chance d'en possédez un, il est grand temps de sortir de l'armoire votre bon vieux pull Shetland.

Comme leur nom l'indique, les moutons Shetland vivent dans les îles Shetland, un archipel situé au nord-est de l'Écosse, entre la Grande Bretagne et la Norvège. Ces moutons forment une race naturelle, dont l'ancienneté remonte au néolithique. Au cours des neuvième et dixième siècles, la race a bénéficié du croisement avec des moutons originaires de Norvège introduits dans les îles Shetland par les Vikings. Les Shetlands actuels sont de petits moutons rustiques, peu exigeants, qui bénéficient d'une bonne longévité. Il en existe de plusieurs couleurs. Les couleurs et leurs répartitions sont très variées. Il y a onze couleurs principales qui comprennent pour la plupart plusieurs nuances. Ce qui donne au total jusqu'à trente teintes reconnues.

Moutons des Shetland
(crédit photo)

Des moutons diversement colorés...
Intéressant, un sujet très pittoresque, me suis-je dis.
En suivant les chemins de la peinture animalière, j'ai rencontré par hasard Joseph Farquharson.
Une excellente découverte, bien en accord avec la saison en cours.

Joseph Farquharson
Self portrait with a Tam O'Shanter - 1882
Aberdeen Art Gallery & Museums, lire la notice

Joseph Farquharson est un peintre écossais de l'époque victorienne, célèbre outre-Manche pour ses représentations de moutons, évoluant le plus souvent dans la neige caressés par la lumière du soleil levant, ou plus rarement par celle du couchant.
Des moutons dans la neige... voila qui ne pouvait mieux tomber !

Herding Sheep In A Winter Landscape
Joseph Farquharson (collection privée)

Joseph Farquharson est né le 4 mai 1846 à Édimbourg, dans la maison de son père Francis Farquharson,  médecin ophtalmologiste et membre du Collège Royal des chirurgiens d'Édimbourg. Francis Farquharson était originaire de l'Aberdeenshire, la région où se trouve la propriété de Finzean transmise dans sa famille depuis quatre siècles dont il est l'actuel Laird. Un domaine qui comptera toujours beaucoup pour son fils.

Through the calm anf frosty air
Joseph Farquharson (collection privée)

Le jeune Joseph, montre très tôt des dispositions pour la peinture. Son père, peintre dans l'âme devenu médecin pour se conformer à la tradition familiale et gagner sa vie, encourage son fils à peindre dès son plus jeune âge et lui fait partager son violon d'Ingres. Pour son douzième anniversaire, il lui offre une boîte de couleurs afin qu'il n'ait plus à se servir du matériel paternel.

At The Close of  Day
Joseph Farquharson (collection privée)

Tout en poursuivant sa scolarité à Édimbourg, le jeune Joseph bénéficie de cours particuliers que lui donne Peter Graham, un ami de la famille alors élève de Robert Scott Lauder membre éminent de la Royal Scottish Academy. Graham va se charger de faire l'éducation picturale de Joseph durant trois ou quatre ans. Son enseignement lui sera extrêmement profitable puisqu'en 1861, il a tout juste 15 ans, l'une de ses peintures obtient l'honneur d'être exposée à la Royal Scottish Academy.

A Winter's Day, The Last Gleam
Joseph Farquharson (collection privée)

Il a 22 ans lorsque, à l'occasion d'un séjour en Suisse, à Mürren où il passe l'été 1868 avec des amis de sa  famille, il donne ses premières leçons de portrait au tout jeune John Singer Sargent, qui a dix ans de moins que lui. Le père de John est un ophtalmologiste, confrère du sien, et c'est un ami de son frère aîné Robert  également médecin. Plus tard, vers 1881, Sargent fera le portrait de Robert Farquharson.

Through The Crisp Air
Joseph Farquharson (Rochdale Arts & Heritage Service)

Après quelques années d'études à la Royal Scottish Academy, la carrière de Farquharson est sur les rails. Pour acquérir du métier, il quitte l'Écosse pour la France. Durant la décennie 1870-1880 il passe plusieurs hivers à Paris. Il y suit l'enseignement dispensé gratuitement par Carolus-Duran dans sont atelier de Montparnasse. Par ailleurs, il fréquente des peintres de l'École de Barbizon, dont il retiendra les principes en s'efforçant de toujours travailler d'après nature.

Joseph Farquharson (titre et localisation inconnus)

En 1873 Joseph Farquharson expose à la Royal Academy pour la première fois. En 1874 il fait un séjour en Hollande. Il y rencontre Jozef Israëls, un des principaux représentants de l'École de La Haye, qui peint des scènes de la vie ouvrière avec un réalisme touchant, empreint de poésie. Une influence dont Farquharson se souviendra dans certains de ses tableaux, tel The Sere and the Yellow Leaf empli d'humanité.

The Joyless Winter Day
Joseph Farquharson - 1883
Tate Britain - lire la notice

L'énorme succès remporté par l'exposition de The Joyless Winter Day , une toile décrite dans la presse comme "un monde enneigé avec des moutons", va inciter Farquharson à persister dans cette voie. À partir de cette date, d'une exposition à l'autre, il montre de plus en plus de paysages enneigés avec des moutons frileusement serrés les uns contre les autres. Ce qui lui vaudra par la suite le surnom malicieux de "Frozen Mutton Farquharson" !

On A Clear Eve When The November Sky Grew Red
Joseph Farquharson (collection privée)

Entre 1885 et 1893 Farquharson effectue plusieurs voyages en Afrique du Nord, notamment au Maroc et en Égypte. Cette partie de son œuvre est bien délimitée dans le temps, car par la suite il s'est concentré sur les scènes campagnardes des alentours de son cher domaine de Finzean. Si ses commentateurs estiment que c'est dans sa période orientaliste que se trouvent ses plus belles peintures, néanmoins ce sont bel et bien ses "moutons congelés" qui lui vaudront la célébrité auprès du public britannique.


Sheep In A Snow Storm
Joseph Farquharson (Aberdeen Art Galley & Museums)

Conformément aux principes acquis auprès des peintres de l'École de Barbizon, Farquharson peignait sur le motif. Or, peindre en plein air, l'hiver en Écosse, ne se fait pas les doigts dans le nez. Comment Farquharson avait-il résolu ce problème ? tout simplement en utilisant une roulotte munie d'une grande baie vitrée et d'un poêle pour la chauffer. De plus, les moutons étaient empaillés, donc déplaçables à volonté. Malin, non ?!

The shortening winter's day is near a close
Joseph Farquharson - 1903
Lady Lever Art Gallery, Liverpool Museums - lire la notice
OR
Beneath the Snow Encumbered Branches
Joseph Farquharson - 1901
Lyon & Turnbull
(Scotland's oldest firm of auctioneers since 1826) lire la notice

Deux peintures identiques avec des dates et des titres différents, voila qui pose un sérieux dilemme.
Lequel est authentique ? le sont-ils tous les deux ?
Si oui, j'ai un peu de mal à imaginer que Farquharson se soit ainsi auto-plagié... Comme je comprends bien trop mal la langue britannique pour démêler cet imbroglio, je laisse aux anglophones le soin de lire cet article du Daily Mail, afin de se faire leur propre opinion.



Si ni la lecture des notices (indiquées en lien dans la légende du tableau) ni l'article du Daily Mail, ne vous ont éclairés, la vidéo ci-dessus vous en aura peut-être appris un peu plus...
À vous de voir et de me dire en commentaire ce que vous en pensez.

EDIT DU 26 DÉCEMBRE 2020 :

Le fin mot de l'histoire du double tableau se trouve dans cet article

Si vous avez du mal avec la version originale (in english) cliquez ici pour voir la traduction.


The Sun had closed the Winter Day
Joseph Farquharson - 1904
Manchester Art Gallery

Entre 1894 et 1925 Farquharson envoie régulièrement une toile chaque année à la Royal Academy. Sauf en 1914. Sans doute en raison de l'entrée en guerre de son pays, mais sans doute aussi parce que le 14 septembre de cette année là, Joseph Farquharson épouse Violet Evelyn Hay. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, l'année suivante il est élu membre à part entière de la Royal Academy.


When Snow the Pasture Sheets
Joseph Farquharson - 1915
Royal Academy of Arts, London (notice)

Le 8 juin 1918 Robert Farquharson, le frère aîné de Joseph qui depuis le décès de leur père était à la tête du domaine familial, décède à son tour. Joseph Farquharson devient alors le douzième Laird de Fizean. Bien qu'il soit déjà âgé de soixante-douze ans, il a toujours bon pied bon œil et s'acquitte efficacement de sa charge. Rien ne lui plait tant que parcourir ses terres toujours à la recherche d'un nouvel endroit pittoresque pour y planter son chevalet.

Homeward Through The Glistening Snow
Joseph Farquharson (collection privée)

De 1918 jusqu'à sa disparition en 1935, Farquharson conjugue sa carrière de peintre à présent bien établie avec la gestion de son domaine. En dehors de la peinture ses occupations sont multiples, mais il ne perd pas l'habitude, comme tout bon gentleman qui se respecte, de prendre le temps de pêcher dans la rivière qui traverse les terres de Finzean (cliquez sur le lien pour aller faire un tour là-bas) ou bien dans le Dee où le saumon abonde.

Salmon Fishing On The Dee
Joseph Farquharson (collection privée)
Avec l'âge, tout comme Monet à Giverny, Farquharson à Finzean se recentre sur l'étude de son jardin. Que ce soit en hiver sous la neige ou à la belle saison, le jardin est magnifique avec ses massifs débordant de fleurs et ses arceaux chargés de roses ou de glycine.

The Garden At Finzean, Aberdeenshire
Joseph Farquharson (Aberdeen Art Gallery & Museums)

Winter Day at Finzean
Joseph Farquharson - 1901
Aberdeen Art Gallery & Museums

Comme tout belle histoire a une fin, le 15 avril 1935, Joseph Farquharson s'éteint doucement dans sa chère demeure de Finzean, à pas tout à fait quatre-vingt-neuf ans. Le tableau ci-dessous est daté de l'année même de sa disparition. Si ce n'est pas une erreur, cela prouve qu'il est parti en pleine possession de ses moyens, au terme d'une vie bien remplie.
Sur son autoportrait reproduit au début de ce billet, peint quand il avait trente-six ans, il s'est représenté coiffé du béret écossais. Cela prouve qu'il a toujours été attaché aux traditions du clan Farquharson, dont le tartan tapissait parait-il les murs de sa demeure.


Sheep In Snow
Joseph Farquharson - 1935
Herbert Art Gallery & Museum, Coventry UK



Pour terminer ce billet en beauté, ne manquez surtout pas de cliquer sur ce lien afin de démarrer le diaporama que la BBC a consacré aux peintures de Joseph Farquharson.


©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012