Depuis que j'ai repris mon bâton de champignonneuse début juillet, je n'arrête pas de les voir déambuler.
Solitaires ou en troupe, ils cheminent à travers la forêt. Ils sont partout !
D'accord, la forêt touche Maisons-Laffitte et ses laies servent de défouloir, voire de pistes d'entraînement, aux palefrois des environs qui, pur-sang ou pas, crottinent au milieu du passage quand ça les prend.
C'est bon pour les champignons, me direz-vous... Oui ! dans les champignonnières, pour les champignons de couche.
Dans la forêt, je n'ai jamais vu pousser le moindre champignon comestible sur un tas de crottin. Par contre, les tas fumants attirent les stercoraires et ils y pullulent. C'est quoi ça, un stercoraire ? ben c'est une bestiole qui "bouffe" (pas d'autre mot) des excréments. Sous ce mot se cachent d'autres choses peu ragoûtantes, mais ce n'est pas mon propos.
Dans la famille des scarabées stercoraires, ou coprophages si vous préférez, communément appelés "bousiers", l'Anoplotrupes stercorosus est très répandu dans nos forêts.
Anoplotrupes stercorosus(photo de M. Chevriaux) |
Il envahit spécialement chemins et sentiers, allez savoir pourquoi. Sans doute est-ce plus facile pour lui, comme pour nous, de s'y déplacer. Ce scarabée est reconnaissable à ses antennes taillées en brosse et surtout à sa couleur bleue métallique, aux reflets d'améthyste bien visibles lorsqu'il se retrouve les quatre fers en l'air. Mésaventure qui lui arrive à tout bout de champ (ou plutôt à tout bord de chemin) et qui lui est souvent fatale. Bêtes ou gens ne regardant guère où ils posent leurs pieds, les écrasés sont quasiment aussi nombreux que les pullulants.
Attention cependant à ne pas confondre l'Anoplotrupes avec les bousiers, tel que le "Scarabée sacré" Scarabeus sacer, rouleur professionnel de bouse pharaonique qui se dore la pilule depuis des millénaires sur les rives du Nil.
En principe, notre Anoplotrupes (cousin très proche du Geotrupes stercorarius) nait dans le crottin et s'y nourrit au début de sa vie. Par la suite, il ne crache pas sur les petits cadavres de bestioles qui ont eu la malchance de se trouver sur le parcours d'un canasson ou d'un vététiste. J'en ai eu la preuve dernièrement en découvrant le spectacle horrifique du cadavre de ce qui m'a semblé être une musaraigne au dos sanguinolent, entourée et comme portée par la meute des scarabées affamés se bousculant autour du festin.
C'est un individu de cette même engeance que j'ai rencontré peu après et que j'ai dû déloger du pied d'un beau cèpe que je venais de cueillir. Il y était quasiment enfoui, tout occupé à se remplir la bedaine. En le virant, je lui ai dit "Dégage ! hé, bouseux !".
cèpe vandalisé par deux compères en plein gueuleton |
Bon, ceci dit je ne lui ai pas fait de mal, je l'ai simplement viré de MA pitance.
Déjà qu'à l'automne il faut se battre avec les limaces et qu'en tout temps les asticots sont toujours les premiers servis, faudrait voir à ne pas en rajouter, non mais, ho !
Maintenant, n'allez pas croire que je lui en veux. Ni à lui, ni à ses congénères. En fin de journée, alors que je venais d'arriver dans une clairière, j'ai été prise de pitié devant le spectacle amusant d'un de ces pauvres petits envahisseurs qui tentait maladroitement et sans succès de s'envoler depuis le sol...
Je me suis penchée vers lui et je lui ai tendu la main. Après quelques hésitations il a fini par y monter. Alors je me suis redressée et au bout d'un court instant, j'ai eu le plaisir de vivre en direct exactement le même scénario que celui qui est décrit en images au bas de cette page, par André Lequet qui, lui, observait dans sa véranda un scarabée sacré.
Sauf que le mien se trouvait en plein air et, qu'après un décollage impeccable, il s'en est allé tout droit en vrombissant, sans même me dire merci !
Piètre récolte, juste de quoi faire un brouet ! |
Post scriptum pour les fendus d'entomologie : Anoplotrupes stercorosus a un frère jumeau Geotrupes stercorarius, dont il n'est pas facile (voire quasiment impossible) de le distinguer.
Jugez plutôt. Je cite Alain Ramel qui, au milieu de cette page de son site, nous explique ceci : "on reconnait Anoplotrupes par ses 2 carènes externes des tibias postérieurs en plus de la carène apicale ; il n'y en a qu'une chez Geotrupes" !!! Visualisation ici.
© VesperTilia, echos-de-mon-grenier 2010
texte et photos (sauf mention spéciale)
texte et photos (sauf mention spéciale)
Edit :
Une espèce menacée
Le bousier tend à disparaître des pâtures d'altitude et des alpages, victime de bouses empoisonnées. Cherchant à protéger leurs bêtes d'un insecte parasitaire, les éleveurs leur font ingérer un insecticide. Celui-ci imprègne les bouses, empoisonnant les insectes coprophages.
Il me revient que pendant mes études j'ai accompagné une classe de neige d'une école de Maisons Lafitte à Besse en Chandesse ou Superbesse!
RépondreSupprimerL'autre accompagnant adulte (éducateur sportif?) était un antisémite de toute laideur... Me souviens plus de son nom mais c'était quelque d'impensaable!
Je ne connais pas ce lieu, mais il m'a l'air agréable pour les balades.
RépondreSupprimerMais ces bêtes là, je ne les aime pas du tout.
belle journée chez toi !
@Chri
RépondreSupprimerCette engeance là aussi prolifère, il faudrait pouvoir les éliminer de l'enseignement.
Bienvenue ici Patriarch.
RépondreSupprimerLa forêt de Saint-Germain en Laye est magnifique et les randonneurs y sont nombreux.
Tu préfères les chauve-souris, je pense ?
Merci d'avoir pris la peine de monter les marches de mon grenier et à bientôt.
Je n'ai pas tout compris...
RépondreSupprimerAlors que nous avons régulièrement l'occasion de nous plaindre des motos et autres quads qui sillonnent les garrigues, dans un excès de bruit et de fumées, te plaindrais-tu des déjections des... chevaux ???
Quant aux insectes, honneur leur soit donné dont certaines variétés aiment... la m.
Ah oui, j'ai oublié :
RépondreSupprimerj'avais admiré le travail de Jan Fabre (admirateur de Jean-Henri Fabre - tiens, pourquoi ?) sur les bousiers lors de son exposition en Avignon quand il fut l'artiste associé du festival.
Meuh non, Avignon ! je n'ai rien contre la bouse de cheval.
RépondreSupprimerJe peste juste un peu contre les bousiers qui se baladent partout sur mon chemin et m'obligent à une attention constante si je ne veux pas contribuer à la disparition de leur espèce, scrogneugneu !
Par contre je n'aime pas ce que Jan Fabre a fait subir à un scarabée !
Mais ce n'est pas un vrai scarabée !
RépondreSupprimerFabre a écrit de bien fort belles pages sur le bousier...
RépondreSupprimerCombien ne se font-ils écraser en forêt en plus des bouses empoisonnées!
Que feront-on sans ces stercoraires?
Coprophages, mycophages
des sages...
quoi quoi quoi?
RépondreSupprimery'a des gens qui empoisonnent le caca que mangent les bousiers? mais c'est super méchant.
non mais sérieusement, je suis outrée :'(
(bah oui moi j'adore les scarabées, et ton petit fils du haut de ses trois ans, il sait ce que c'est que c'est qu'un bousier aussi - tu parles, un insecte + du caca, c'est le paradis pour lui)
@Jeandler
RépondreSupprimerLes souvenirs de Jean-Henri Fabre (l'entomologiste, pas le clown qui se dit son descendant) sont accessibles sur internet. Mon lien sur "Scarabée sacré" y mène tout droit.
Pour moi les stercoraires qui traversent mon chemin sont prioritaires et je m'arrête pour les laisser passer. "Après vous je vous en prie" leurs dis-je civilement. Mais la plupart n'en font rien et s'arrêtent eux aussi, alors je passe !
Des coprophages sages, oui sans problème. Mais des mycophages, là non, pas d'accord ! Les limaces et scarabées : ouste, du balai !
Angel, as-tu suivi le lien où André Lequet décrit en trois photos, au bas ce cette page, le processus d'envol d'un scarabée sacré ? Fabuleux, non ?!
RépondreSupprimerCelui que j'ai fait monter sur ma main, bien que non "sacré", a suivi exactement le même plan d'envol (sans se planter vu qu'il était à l'air libre).
Cela fait une belle lurette que je n'ai pas vu ce type de bestioles. Les coléoptères se font rares, à part quelques minuscules.
RépondreSupprimer@Fardoise
RépondreSupprimerDe mon enfance à Avignon, je me souviens de la merveilleuse couleur émeraude de la cétoine dorée qui mangeait le coeur des roses et que j'appelais naïvement scarabée vert.
Fabre parle des scarabées dans ses souvenirs. A propos du Copris lunaire, une autre sorte de bousier, il note que, déjà de son temps, les exemplaires n'étaient pas légion dans le Midi.
Son observation attentive des rôles paternel et maternel pour cette espèce est passionnant.