Les tableaux de René Magritte de la série "L'empire des Lumières" m'ont toujours fascinée. Celui-ci en particulier :
L'Empire des Lumières René Magritte - 1954 Musées Royaux de Belgique (notice du musée) |
Magritte fit de multiples versions de ce tableau. Celle reproduite ci-dessus lui fut commandée spécialement par les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique.
Reste à savoir pourquoi ces lumières nocturnes exercent un tel empire sur moi...
En y réfléchissant, je pense que le réverbère est pour beaucoup dans cet attrait irrésistible. Mais il faudrait remonter loin dans le temps pour éclairer tout ça et ce serait trop long. J'y songerai un autre jour.
D'ailleurs, Magritte lui-même va me fournir des éclaircissements.
« La conception d'un tableau, c'est-à-dire l'idée, n'est pas visible dans le tableau : une idée ne saurait être vue par les yeux. Ce qui est représenté dans un tableau, c'est ce qui est visible pour les yeux, c'est la chose ou les choses dont il a fallu avoir l'idée. Ainsi, ce qui est représenté dans le tableau "L'Empire des Lumières", ce sont les choses dont j'ai eu l'idée, c'est-à-dire, exactement, un paysage nocturne et un ciel tel que nous le voyons en plein jour. Le paysage évoque la nuit et le ciel évoque le jour. Cette évocation de la nuit et du jour me semble douée du pouvoir de nous surprendre et de nous enchanter. J'appelle ce pouvoir : la poésie.
Si je crois que cette évocation a un tel pouvoir poétique, c'est entre autres raisons, parce que j'ai toujours éprouvé le plus grand intérêt pour la nuit et pour le jour, sans jamais ressentir, cependant, de préférence pour l'un ou pour l'autre. Ce grand intérêt personnel pour la nuit et pour le jour, est un sentiment d'admiration et d'étonnement. »
La poésie, tout est là. Magritte, à sa manière, est un poète. Et l'idée initiale de "L'empire des Lumières" pourrait lui avoir été suggérée par un poème d'un surréaliste avant la lettre :
"Le soleil, sur la mer, brillait ;
Il brillait de tout son éclat ;
Il s’évertuait à calmer
Et faire étinceler les flots…
Et c’était, voyez-vous, très bizarre, parce que
C’était au milieu de la nuit."
Dans la série L'empire des Lumières, en 1948, Magritte peint Le Salon de Dieu
Au sujet de ce tableau, Magritte écrit à Suzi Gablick :
Si je crois que cette évocation a un tel pouvoir poétique, c'est entre autres raisons, parce que j'ai toujours éprouvé le plus grand intérêt pour la nuit et pour le jour, sans jamais ressentir, cependant, de préférence pour l'un ou pour l'autre. Ce grand intérêt personnel pour la nuit et pour le jour, est un sentiment d'admiration et d'étonnement. »
(René Magritte, correspondance, fin avril 1956).
La poésie, tout est là. Magritte, à sa manière, est un poète. Et l'idée initiale de "L'empire des Lumières" pourrait lui avoir été suggérée par un poème d'un surréaliste avant la lettre :
"Le soleil, sur la mer, brillait ;
Il brillait de tout son éclat ;
Il s’évertuait à calmer
Et faire étinceler les flots…
Et c’était, voyez-vous, très bizarre, parce que
C’était au milieu de la nuit."
Le Morse et le Charpentier - Lewis Carroll "De l'autre côté du Miroir" chapître IV
(traduit par Henri Parisot).
Magritte a peint au moins trois versions (presque une habitude chez lui !) d'un tableau intitulé "Alice au Pays des Merveilles". Ici la version de 1952.
(traduit par Henri Parisot).
Magritte a peint au moins trois versions (presque une habitude chez lui !) d'un tableau intitulé "Alice au Pays des Merveilles". Ici la version de 1952.
Après cette entrée en matière de lumières, j'en viens à la solution du tableau-mystère, ou plutôt de la photo-mystère, de mon billet précédent.
Dans la série L'empire des Lumières, en 1948, Magritte peint Le Salon de Dieu
Le Salon de Dieu René Magritte - 1948 collection privée (crédit photo) |
« J'aimerai vous dire que j'ai réussi un tableau très difficile, mais qui est sans doute trop difficile pour le mener à bien ? Il s'agit de peindre un paysage en plein soleil avec un ciel nocturne (étoiles et croissant de lune). J'ai peint et repeint ce tableau et je suis au stade du désenchantement ; c'est raté tout à fait.
Un ami avait trouvé comme titre : « Le Salon de Dieu ». J'ai longuement hésité à l'adopter - un titre comme : « Le Bal masqué » me paraissait préférable pour beaucoup de raisons dont la principale était la défense absolue de dire quoi que ce soit de Dieu.
Je puis penser à un paysage ensoleillé sous un ciel nocturne. Mais le voir et le reproduire par la peinture n'est possible que si l'on est un Dieu. En attendant de le devenir, j'abandonne le projet. »
Pour juger de la pertinence de cette auto-critique de Magritte sur son tableau "Le Salon de Dieu", il faudrait voir l'original, au lieu de se contenter de reproductions plus ou moins fidèles (à ce sujet, lire le post-scriptum en fin de billet).
Personnellement, même si ce tableau "nuit sur jour" me séduit moins que les "jour sur nuit" de la série L'Empire des Lumières, je suis loin de le considérer comme raté.
Une demeure solitaire au milieu d'un parc baignant dans une clarté lunaire obscurément éblouissante retiendra toujours mon attention, elle risque même de s'incruster dans ma mémoire.
Un ami avait trouvé comme titre : « Le Salon de Dieu ». J'ai longuement hésité à l'adopter - un titre comme : « Le Bal masqué » me paraissait préférable pour beaucoup de raisons dont la principale était la défense absolue de dire quoi que ce soit de Dieu.
Je puis penser à un paysage ensoleillé sous un ciel nocturne. Mais le voir et le reproduire par la peinture n'est possible que si l'on est un Dieu. En attendant de le devenir, j'abandonne le projet. »
René Magritte "Écrits complets" Flammarion 2009
Pour juger de la pertinence de cette auto-critique de Magritte sur son tableau "Le Salon de Dieu", il faudrait voir l'original, au lieu de se contenter de reproductions plus ou moins fidèles (à ce sujet, lire le post-scriptum en fin de billet).
Personnellement, même si ce tableau "nuit sur jour" me séduit moins que les "jour sur nuit" de la série L'Empire des Lumières, je suis loin de le considérer comme raté.
Une demeure solitaire au milieu d'un parc baignant dans une clarté lunaire obscurément éblouissante retiendra toujours mon attention, elle risque même de s'incruster dans ma mémoire.
Magritte a essayé d'illustrer par la peinture l'idée d'un paysage de jour sous un ciel de nuit et il avoue s'y être cassé le pinceau. Alors, j'ai voulu savoir si le résultat serait meilleur en remplaçant le pinceau et les couleurs par l'appareil photo. J'ai donc photographié un paysage de jour, puis le même paysage de nuit et ensuite j'ai superposé les deux après avoir découpé le ciel de jour pour laisser apparaître le ciel de nuit, de manière à obtenir ce paysage ensoleillé sous un ciel nocturne, que Magritte a représenté dans "Le Salon de Dieu". Le lecteur habituel sait à quoi s'attendre quant au résultat pas fameux que j'ai obtenu. Pour le lecteur occasionnel, le voici :
(cliquez pour agrandir)
Le tableau de Magritte est tout de même beaucoup plus réussi (y'a pas photo !)
Moralité : si Magritte n'est pas Dieu, Tilia n'est pas Magritte et la photographie n'est pas une solution pour essayer de faire mieux que lui (à moins de tricher en trafiquant la photo !).
Le tableau de Magritte est tout de même beaucoup plus réussi (y'a pas photo !)
Moralité : si Magritte n'est pas Dieu, Tilia n'est pas Magritte et la photographie n'est pas une solution pour essayer de faire mieux que lui (à moins de tricher en trafiquant la photo !).
© VesperTilia, echos-de-mon-grenier 2010
P.S. : j'ignore si "Le Salon de Dieu" (collection privée) est actuellement visible, ou non, au Musée Magritte de la place Royale à Bruxelles, musée ouvert depuis le 2 juin 2009.
Sur le site du Musée Magritte, l'information suivante nous est donnée : "Grâce au concours amical de Charly Herscovici, président de la Fondation Magritte, de nombreux collectionneurs ont manifesté leur soutien à l'entreprise avec des dépôts qui permettront au visiteur de découvrir nombre de joyaux toujours en mains privées."...
Sur le site du Musée Magritte, l'information suivante nous est donnée : "Grâce au concours amical de Charly Herscovici, président de la Fondation Magritte, de nombreux collectionneurs ont manifesté leur soutien à l'entreprise avec des dépôts qui permettront au visiteur de découvrir nombre de joyaux toujours en mains privées."...
Je fus très bon maître-ouvrier, mais pas artiste pour deux sous !! Belle journée chez toi !
RépondreSupprimerPour moi un maître-ouvrier de talent est bien supérieur à un artiste "m'as-tu-vu comme je suis plein de sous" !
RépondreSupprimerBeau temps dans ta contrée !
C'est vrai que l'effet du premier tableau est bien plus saisissant, l'opposition jour/nuit plus forte sans doute, avec le réverbère. Je ne connaissais pas cette série de Magritte. Le montage photo est réussi, mais pour mettre sur la voie il aurait fallu faire l'inverse, comme lui.
RépondreSupprimerCertains, qui ont l'œil, ne s'y sont pas trompés.Pour ma part, j'avais zappé l'opposition nuit/jour pour ne m'en tenir qu'au paysage.
@Fardoise
RépondreSupprimerC'est vrai que c'était difficile et je soupçonne un peu Costar d'avoir été mis sur la voie par l'avatar de Tilia qui est, tu l'auras reconnu, le réverbère d'une des versions de "l'Empire des Lumières" !
Ta suggestion de faire une photo d'une maison sous un ciel encore clair à l'heure où les lampadaires s'allument me tente bien. J'y pense depuis déjà pas mal de temps et je vais sûrement passer à l'acte d'ici peu, histoire de voir si je fais des progrès sur le chemin de la déité ;-)
J'aime beaucoup ce billet. Je t'enverrai par mail séparé une photo que je viens de faire qui représente un paysage ensoleillé sous ciel d'orage, on arrive presque à l'équivalent de ta photo montage... en naturel.
RépondreSupprimerPar ailleurs, au sujet de ta remarque sur l'elefandret d'Avignon "Personne n'a encore pensé à cadrer un photo de sorte que la vierge dorée tiennent les pattes de l'éléphant ? ça serait du tonnerre, non ?!...", je suis allée essayer hier soir. Eh bien ça ne marche pas. On ne trouve nulle part l'angle nécessaire pour arriver à cette image. L'elefandret est entouré d'une estrade en bois qui cache son énorme socle et cette estrade empêche de placer l'appareil de telle façon à placer les pattes de l'éléphant dans les mains de la vierge. Le seul recours serait photoshop !!! :-)
@Nathalie
RépondreSupprimerEst-ce que tu aimes la peinture de Magritte en général, ou bien préfères-tu seulement certains de ses tableaux ?
Vu ce que tu nous montres habituellement j'ai dans l'idée que ta photo va me plaire, je l'attends avec impatience.
Dommage qu'on ne puisse pas faire tenir les pattes de l'éléphant noir par la madone dorée, ça m'aurait bien plu !
j'ai vu ce tableau il y a environ 3 ans(le salon de Dieu)chez un antiquaire de Monaco,dans la Galerie du sporting d'Hiver, aujourd'hui détruit.
RépondreSupprimerc'est magique!
J avoue
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