samedi 29 janvier 2011

Or vert

2011 année internationale des forêts


La dernière forêt
Max Ernst
Musée d'Art Moderne de Saint-Etienne





















Décrétée par l'ONU, l'année internationale des forêts en 2011 devra mettre en lumière l'importance des forêts primaires, leur rôle essentiel dans la lutte contre les changements climatiques ainsi que dans la survie des communautés humaines et des animaux dont le mode vie dépend essentiellement de la forêt. Elle devra surtout mettre en avant la nécessité de plus et mieux protéger les forêts, toutes les forêts.


Renard bleu-noir
Franz Marc - 1911
Von der Heydt-Museum, Wuppertal

Pour limiter la casse et protéger les forêts qui restent encore intactes, il va falloir s'attaquer aux producteurs et industries de l'huile de palme et à leurs lobbies qui, non contents d'avoir envahi notre alimentation, sont en train d'accaparer le marché des carburants "verts".


Depuis le début du siècle, l'huile de palme est devenue un produit consommé dans le monde entier. Ses applications sont multiples. Elle entre dans la composition de près de la moitié des produits proposés en supermarchés : les plats tout préparés, les biscuits, mais aussi des produits non alimentaires tels que savons, gels douche, cosmétiques et détergents. En France, la graisse de palme est très peu utilisée dans la cuisine par les ménages. En revanche, elle est couramment employée dans la restauration collective, en raison de son coût inférieur à celui des autres matières grasses. 

L'essor des surfaces plantées en palmiers à huile se fait généralement aux dépens des forêts primaires des régions tropicales de la planète : pour planter les palmiers, on détruit les forêts et, du même coup, toute la biodiversité qu'elles abritent.

Daims dans la forêt
Franz Marc
Von der Heydt-Museum, Wuppertal

Dans nos assiettes, l'huile de palme est une tueuse à petit feu, car son taux d'acides gras saturés dépasse celui du saindoux. Nos ancêtres campagnards qui utilisaient la graisse de porc pour cuisiner s'activaient du matin au soir, leur mode vie était donc plus sain que celui des citadins sédentaires d'aujourd'hui ce qui compensait les dangers de leurs alimentation trop riche en matières grasses animales.

Les acides gras saturés de l'huile de palme ont pour effet d'augmenter les risques de maladie cardiaque en contribuant à la formation des dépôts qui bouchent les artères. Parmi les acides gras saturés qui présentent un risque cardio-vasculaire, l’acide palmitique est un des pires. Vous souhaitez en savoir plus sur les méfaits de l'huile de palme dans votre assiette ? Cliquez ici.


Vous êtes soucieux de la santé de votre coeur et de celle de notre planète ? Lisez cet article.
Afin de limitez l'abattage des forêts au profit de la culture des palmiers à huile, boycottez systématiquement l'huile de palme pour qu'elle n'entre ni dans votre cuisine, ni dans votre salle de bains, ni dans le réservoir de votre véhicule.

EDIT :
La Forêt Vierge

Sur le sol convulsif l’homme n’était pas né
Qu’elle emplissait déjà, mille fois séculaire,
De son ombre, de son repos, de sa colère,
Un large pan du globe encore décharné.

Dans le vertigineux courant des heures brèves,
Du sein des grandes eaux, sous les cieux rayonnants,
Elle a vu tour à tour jaillir des continents
Et d’autres s’engloutir au loin, tels que des rêves.

Les siècles ont coulé, rien ne s’est épuisé,
Rien n’a jamais rompu sa vigueur immortelle ;
Il faudrait, pour finir, que, trébuchant sous elle,
Le terre s’écroulât comme un vase brisé.

Ô forêt ! Ce vieux globe a bien des ans à vivre ;
N'en attends point le terme et crains tout de demain,
Ô mère des lions, ta mort est en chemin,
Et la hache est au flanc de l'orgueil qui t'enivre.

Sur cette plage ardente où tes rudes massifs,
Courbant le dôme lourd de leur verdeur première,
Font de grands morceaux d'ombre entourés de lumière
Où méditent debout tes éléphants pensifs ;

Comme une irruption de fourmis en voyage
Qu'on écrase et qu'on brûle et qui marchent toujours,
Les flots t'apporteront le roi des derniers jours,
Le destructeur des bois, l'homme au pâle visage.

Il déracinera tes baobabs superbes,
Il creusera le lit de tes fleuves domptés ;
Et tes plus forts enfants fuiront épouvantés
Devant ce vermisseau plus frêle que tes herbes.

Mieux que la foudre errant à travers tes fourrés,
Sa torche embrasera coteau, vallon et plaine ;
Tu t’évanouiras au vent de son haleine ;
Son œuvre grandira sur tes débris sacrés.

Plus de fracas sonore aux parois des abîmes ;
Des rires, des bruits vils, des cris de désespoir.
Entre des murs hideux un fourmillement noir ;
Plus d’arceaux de feuillage aux profondeurs sublimes.

Mais tu pourras dormir, vengée et sans regret,
Dans la profonde nuit où tout doit redescendre :
Les larmes et le sang arroseront ta cendre,
Et tu rejailliras de la nôtre, ô forêt !


La Forêt Vierge (extraits)
"Poèmes barbares"
Charles Leconte de Lisle
texte complet du poème sur Wikisource

Halleluiah
Max Ernst - 1948
The Art Institute of Chicago

© VesperTilia, echos-de-mon-grenier 2011

mardi 25 janvier 2011

Vert

Chez vous, je ne sais pas, mais ici il fait moche, il fait gris, au moins un jour sur deux. Si encore, comme en décembre, on avait de la neige, le paysage en serait magnifié. Janvier mois du blanc, tu parles ! Cette année c'est le mois du gris. Et le printemps est encore loin. Je soupire après fleurs et feuilles, j'ai une fringale de verdure. Envie de couleurs, envie de me mettre au vert.

La voilà l'idée... je vais ouvrir un nouveau carton dans le bric-à-brac de mon grenier. Une nouvelle catégorie si vous préférez. Ou plutôt, plusieurs catégories. Une pour chaque couleur. Et il n'y aura que des tableaux. Des peintures où une couleur donnée, le vert par exemple (!) occupera une place prépondérante.

Abracadabra !

Jeune femme aux gants
Tamara de Lempicka - 1929
Musée national d’Art Moderne (Centre Pompidou) Paris


L'oeil du silence
Max Ernst - 1943-44
Mildred Lane Kemper Art Museum, Washington University, St. Louis (Missouri)


Circe Invidiosa
John William Waterhouse - 1892
Art Gallery of South Australia

Portrait d'une dame
Le Titien - 1555
National Gallery of Art, Washington

La symbolique du vert vous intéresse-t-elle ? Lisez l'interview de Michel Pastoureau.

Et dites-moi, aimez-vous le vert ?


© VesperTilia, echos-de-mon-grenier 2011

jeudi 20 janvier 2011

Image du désir, désir d'image

Éros debout drapé - Myrina - IIe siècle av. notre ère
Musée archéologique Henri Prades - Lattes

C'est bizarre comme les choses s'enchaînent... Depuis une semaine je concocte un billet que j'aimerais pouvoir vous servir sous peu. Mais sans recette bien établie, la cuisson s'avère plus longue que prévue. Alors en attendant, ce matin je me suis dit, tiens c'est le moment de choisir un poème dans ton anthologie poétique de la forêt, tu ajoutes une illustration ad hoc et le tour est joué !

Eh bien non ! encore une fois, les choses n'ont pas tourné dans le sens que je pensais leur faire prendre. En rouvrant le livre de Robert Harrison Forêts, essai sur l'imaginaire occidental, voilà que je tombe sur un poème dont j'avais coché la page, parce qu'à la fin il y est question de maison. Ce poème, intitulé Pour Harold Bloom, est une traduction puisque c'est Archie Randolph Ammons, un poète américain, qui en est l'auteur.

Je suis monté au sommet
et je suis resté sur les hauteurs dénudées
battues par le vent de tous côtés
et son discours ne me parvenait pas.
Et je ne pouvais lui parler,
car la nature m'ayant entraîné si loin
je suis sorti de la nature
et rien ici ne me montre mon image.

Pour le mot "arbre" j'ai vu un arbre,
pour le mot "rocher" j'ai vu un rocher,
pour le ruisseau, pour le nuage, pour l'étoile,
cet endroit m'a fourni de solides réponses.

Mais où est ici l'image du
désir ?

Alors j'ai touché les rochers, leurs croûtes intéressantes,
j'ai effrité l'écorce du sapin,
j'ai regardé dans l'espace, regardé le soleil,
sans trouver la réponse au mot "
désir".

Adieu, ai-je dit, adieu, nature si grande et réticente,
tes langues sont scellées dans leur propre élément.
En te taisant tu m'as exclu,
je suis aussi étranger ici qu'un visiteur venant d'atterrir.

Alors je suis redescendu et j'ai ramassé de la boue
pour modeler de mes mains une image du
désir.
J'ai emmené l'image au sommet.
D'abord je l'ai posée ici, sur le plus haut rocher,
mais elle ne donnait rien.
Puis je l'ai posée là, au milieu des petits sapins,
mais elle ne convenait pas.


Alors je suis retourné à la ville
et
j'ai construit une maison pour y poser l'image.
Et des hommes vinrent dans ma maison et dirent
"
voilà une image du désir"
et rien ne sera plus jamais pareil.


A. R. Ammons Pour Harold Bloom, premier poème du recueil Sphere, The Form of a Motion,
traduction de Robert Harrison dans Forêts. Essai sur l'imaginaire occidental, Champs-Flammarion 1992


Le texte du poème en version originale se trouve sur cette page.

On peut interpréter ce poème de différentes façons.

Voici ce qu'en dit Robert Harrison :

Une maison est un endroit où poser une image. Cette image (...)  la nature ne peut la loger, mais l'homme et la femme peuvent entrer dans cette maison et dire : « Voilà une image du désir ». Être humain, c'est être lié l'un à l'autre par cette réalité-là. Les gens se parlent, reconnaissent leur parenté uniquement parce que chacun abrite le désir dont l'image habite la maison du poète.

Pour moi, la maison est le lieu où commencent l'art et la culture. L'art a besoin de maisons pour exister. Comme l'escargot, l'art, par le biais de l'architecture, construit ses propres demeures. L'art est avant tout un désir d'images, le moyen peut-être pour la nature de se contempler elle-même.

Olivier Deprez a donné sa propre traduction du poème de A.R. Ammons et en a  fait une belle analyse, en se plaçant du point de vue de l'auteur dédicaçant son poème à Harold Bloom critique littéraire.

Deux autres poèmes de A. R. Ammons sur cette page. Et trois autres ici.

© VesperTilia, echos-de-mon-grenier 2011

vendredi 14 janvier 2011

Enfer et Paradis


Le concert
Gerrit van Honthorst - 1624
Musée du Louvre
Un peu de vague à l'âme, le ciel gris et la pluie de janvier, m'ont amenée à user d'un de mes remèdes favoris réservés à ce genre d'ennui, une vidéo du feu de dieu :


Ciaccona del Paradiso e del Inferno (Chaconne du Paradis et de l'Enfer)
avec Philippe Jaroussky contre-ténor,
Alessandro Tampieri
,
Doron Sherwin
et l'Arpeggiata de Christina Pluhar.
Un concert donné à l’abbaye d’Ambronay, le 18 septembre 2008.

Cette chaconne, si brillamment interprétée par Philippe Jaroussky, est l'oeuvre d'un anonyme du 17e siècle. Elle fait partie d'un recueil de chansons intitulé Spirituali e Morali, imprimé à Milan vers 1670. Musicalement, elle s'apparente à Monteverdi. Son texte est une amusante controverse entre un zélateur du Paradis (Jaroussky) et deux apôtres de l'Enfer (Tampieri et Sherwin).

Dans cette vidéo, Jaroussky a une pêche d'enfer et une voix de paradis. Le jeu de scène des trois protagonistes est excellent et leur truculence totalement maîtrisée. L'humour de l'archange Jaroussky fait des ravages, sous l'oeil approbateur de Christina Pluhar qui supervise le tout discrètement avec une aisance confondante.

À l'issue de cette performance exceptionnelle, tout le monde est ravi, la salle applaudit debout... et je souris. Un sourire qui va m'accompagner toute la journée, la mélodie de cette chaconne continuant à chanter dans ma tête les délices du Paradis et les charmes d'un Enfer peuplé de beaux diables !

Comme le temps ne s'améliore pas, il me vient à l'idée de voir s'il n'y aurait pas une suite au programme et... le miracle s'accomplit ! Je vous laisse découvrir la vidéo :

Ohimè ch'io cado
Claudio Monteverdi - 1624

© VesperTilia, echos-de-mon-grenier 2011

jeudi 6 janvier 2011

Epiphanie

En ce jour de la fête des rois, voyons tout d'abord, un tableau peu connu

Les Rois Mages en route vers Bethléem
Leonaert Bramer - env. 1640
New-York Historical Society

puis un second, du même maître hollandais

L'adoration des Mages
Leonaert Bramer - vers 1633-35
Detroit Institute of Arts

Sur un thème approchant, un autre beau tableau de Leonaert Bramer

Bouviers près d'un feu
Leonaert Bramer - vers 1626
The Kremer Collection
Pour voir ce tableau en plein écran cliquez sur le lien vers The Kremer collection ,  puis cliquez sur l'image

Profitez en pour admirer en plein écran tous les chefs d'oeuvre  de la collection Kramer qui présente un véritable trésor, une cinquantaine de tableaux de maîtres hollandais et flamands du 17e siècle.


Pour la confection de la galette... à vous de jouer !


© VesperTilia, echos-de-mon-grenier 2011

mardi 4 janvier 2011

L'éclipse solaire

Souvenez vous, à la fin de mon billet du 16 décembre dernier, j'écrivais :

"Pour terminer, puisque j'ai parlé de la lune, je vous donne aussi une information sur le soleil, à noter dans votre agenda."

Hélas ! ce matin sur une grande partie de la France, le ciel était gris...

Ciel couvert sur l'Île-de-France ce 4 janvier
Mais pas en Espagne !

Chez Alba, le ciel était clair ! Allez voir les photos qu'elle publie, elles sont géniales, foi de Tilia !

Pour se consoler d'avoir raté l'éclipse et si Éole veut bien envoyer un de ses sous-fifres passer le balai, on pourrait tenter de voir la nébuleuse d'Orion comme indiqué ici.


Ou bien, se contenter d'admirer ce tableau d'Antoine Caron

Denys l'Aréopagite convertisant des philosophes païens

EDIT  du 5 Janvier :
D'autres photos de l'éclipse sont visibles sur le site du journal espagnol La Vanguardia et sur celui de l'agence Reuters

Photo La Vanguardia

Photo La Vanguardia

Photo Reuters

Photo Reuters


© VesperTilia, echos-de-mon-grenier 2011

dimanche 2 janvier 2011

Turner, premières aquarelles


Comme annoncé dans mon billet précédent, voici les informations concernant l'aquarelle de Joseph Mallord William Turner que j'ai utilisée pour formuler mes voeux à l'occasion de la nouvelle année.

Llandewi Skyrrid with Skyrrid Mawr
J. M. W. Turner, aquarelle, 1792
Tate Gallery, London (notice)
cliquez sur l'image pour voir ses détails et découvrir le second personnage
qui s'y cache de manière assez surprenante


Cette aquarelle, réalisée en 1792 alors que Turner était âgé d'environ dix-sept ans, est répertoriée dans la base de la Tate Gallery de Londres. Vous pouvez la voir sur son site en cliquant ici.

Il existe une autre version de Llandewi Skyrrid with Skyrrid Mawr, qui me paraît être une version préalable, bien que la Tate Gallery lui attribue comme date 1792-3...

Avec Turner on n'est jamais sûr de rien. Il aimait à se comparer aux personnages de Shakespeare et on peut considérer les information le concernant comme sujettes à caution. Ainsi, sa date de naissance ne serait pas connue avec exactitude. Ce qui n'explique en rien que l'aquarelle ci-dessous porte la date de 1787.

Folly Bridge and Bacon's Tower, Oxford
J. M. W. Turner, aquarelle, 1787
Tate Gallery, London (notice)

Il  aurait peint cette aquarelle à douze ans ? avant même d'être passé par l'école de la Royal Academy ? C'est possible, mais j'ai peine à le croire...


Toute l'œuvre de Turner est répertoriée sur le site de la Tate Britain. Pour en avoir un aperçu, cliquez ici. Si vous êtes fan, vous n'allez pas être déçu, avec plus de 4000 pages à consulter, vous en aurez bien pour l'année ! Plaisanterie à part, toutes les notices ne sont pas accompagnées d'images, mais avec de la patience, il y a de véritables découvertes à faire. Un exemple ci-dessous.

Cottage Interior by Firelight
J. M. W. Turner
, aquarelle, 1790-1
Tate Gallery, London (notice)


Ou bien encore, cet autoportrait à l'âge de seize ans

Self-Portrait at the Age of Sixteen
J. M. W. Turner, huile sur toile, 1791-2
Tate Gallery, London (notice)


On a énormément écrit sur William Turner et les anecdotes à son sujet ne manquent pas. Personnalité singulière, et par la même attachante, sa vie est un tissu de contradictions. Issu d'un milieu modeste, il oeuvre en véritable autodidacte tout en restant fidèle à la Royal Academy où il exposera chaque année. Aspirant au classicisme, il adopte cependant un style pittoresque pour ses aquarelles et n'hésite pas à employer des coloris éclatants dans ses tableaux. Ours mal léché, au point de se faire battre froid par John Narraway chez qui il avait pris pension et qui l'avait présenté à une partie de ses relations bien placées pour favoriser sa carrière, Turner finira son existence en misanthrope bougon, retiré dans son cottage sous une fausse identité empruntée à sa compagne.



© VesperTilia, echos-de-mon-grenier 2011