Avant de commencer ce deuxième billet de la série consacrée à "Avignon vue par les peintres", j'aimerais revenir un instant sur la biographie de Johan Barthold Jongkind, car il y a un lien entre Jongkind et Eugène Isabey.
En effet, le 17 novembre 1845 à La Haye, Eugène Isabey assiste à la cérémonie d'inauguration de la statue équestre de Guillaume 1er d'Orange-Nassau, dit Guillaume le Taciturne. Une oeuvre d'Émilien de Nieuwerkerke, sculpteur d'origine hollandaise qui, par la suite, deviendra directeur général des Musées impériaux sous Napoléon III. C'est à cette occasion qu'Isabey rencontre Jongkind, alors élève d'Andreas Schelfhout à La Haye. Après avoir vu ses travaux, Isabey invite Jongkind à venir le rejoindre comme élève dans son atelier parisien.
Sur recommandation de son secrétaire, le prince d'Orange (futur Guillaume III) accorde à Jongkind des subsides pour financer des cours de français et il lui octroie une rente mensuelle pour subvenir à ses besoins durant son séjour en France. En mars 1846, Jongkind quitte la Hollande pour Paris et entre à l’atelier d’Isabey.
Sur recommandation de son secrétaire, le prince d'Orange (futur Guillaume III) accorde à Jongkind des subsides pour financer des cours de français et il lui octroie une rente mensuelle pour subvenir à ses besoins durant son séjour en France. En mars 1846, Jongkind quitte la Hollande pour Paris et entre à l’atelier d’Isabey.
Isabey était un habitué de la côte normande (certains auteurs mentionnent qu’il avait une maison à Honfleur). Durant les années 1850-51 Jongkind et Isabey voyagent ensemble et réalisent de concert maints tableaux des côtes normandes et bretonnes.
Dans le précédent billet, on a vu dans quelles circonstances Jongkind a peint deux vues du quartier des Carmes lors de ses passages dans la cité des papes. Il n'en sera pas de même pour Eugène Isabey. Malgré de longues recherches, je n'ai guère trouvé d'informations permettant de déterminer en quelle occurrence il a réalisé la vue du palais des papes ci-dessous.
Vue du palais des papes d'Avignon depuis les rives du Rhône (mine de plomb, lavis brun, 32,2 x 53,3 cm) dédicacé à Honoré Daumier par Eugène Isabey le 8 juillet 1836 collection particulière |
Seule piste plausible, l'amitié qui liait Eugène Isabey à Horace Vernet, dont le grand-père était originaire d'Avignon. Horace Vernet avait un atelier à Enghien-les-Bains où il s'était installé avec sa fille en 1825. C'est également en 1825 que Eugène Isabey était venu habiter à Enghien, dans un pavillon rustique qu'il avait fait construire sur quatre gros peupliers coupés à hauteur d’homme pour servir de piliers. Il a habité durant douze ans cette maison originale (aujourd'hui disparue) qui était située au n°26 de l'actuel boulevard du Lac. À l'époque, ses voisins surnommaient Isabey "l'Amiral", car il naviguait sur le lac d'Enghien dans une barque munie de quatre voiles (source).
Vue d’Avignon et du Pont saint Bénezet (huile sur toile, 50 x 74 cm) Isidore Dagnan - 1833 Musée Calvet, Avignon |
En comparant le lavis réalisé par Isabey en 1836 et le tableau d'Isidore Dagnan ci-dessus qui lui est légèrement antérieur, on constate quelques différences. Un amusant petit jeu de "cherchez l'erreur" (cliquez sur les images pour les agrandir).
Isidore Dagnan (Marseille, 1794 - Paris, 1873) a résidé durant plusieurs années à Lyon où il a bénéficié de l'expérience des peintres de l'École lyonnaise. Entre 1819 et 1868, il a exposé régulièrement au Salon. De 1824 à 1830, il a vécu à Grenoble où il a été le professeur de Jean Achard.
Avignon, l'ancien Palais des Papes (huile sur toile, 77 x 111 cm) Isidore Dagnan - Salon de 1845 Musée d'art et d'histoire de Lisieux (voir la notice) |
En réalisant de nombreuses vues de villes, Isidore Dagnan est à l'origine du développement de la notion de paysage urbain au début du XIXe siècle, la vue urbaine pittoresque ayant atteint son apogée entre 1820 et 1838. En privilégiant des sujets moins prestigieux que ceux des siècles précédents, sa peinture rompt avec les modèles traditionnels et elle cherche à retranscrire des émotions plutôt qu'à fixer une réalité objective.
©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2011
La vue d'Avignon par Isabey est beaucoup plus aérée et moins oppressive que celle de Dagnan, le Palais plus présent.
RépondreSupprimerEn trois années qui séparent les deux vues, que de changements ! Un beau thème pour le jeux des dix erreurs ! Et il y en d'autres... bien plus que dix.
On remarquera dans le dessin d'Isabey une faute de perspective : Le pont n'est pas dans l'axe du Châtelet.
RépondreSupprimerEntre les deux tableaux, des bâtiments se sont construits...
Je ne connais pas assez Avignon pour juger... Belle journée. Bises
RépondreSupprimerIntéressant de voir Avignon en peinture et de connaître un peu d'histoire aussi.
RépondreSupprimerTe voilà revenue!
RépondreSupprimerLe point de vue n'est pas le même. Donc, dès le départ le tableau est différent.
Par exemple sur l'un on peut voir nettement le Rocher des Doms et un rocher à côté du pont alors que l'on ne peut distinguer chez l'autre puisque le cadre dépend de l'emplacement du peintre!
Au sujet du jeu des douze erreurs (au moins) tu sais ce qui aurait été sympa? C'est que tu colles davantage les deux images pour qu'on puisse les comparer de visu sans avoir à monter et descendre le curseur...
RépondreSupprimerJ'espère que ce billet donnera lieu à autant de commentaires passionnants que celui consacré à Jongkind.
Que j'aime la lumière sur le tableau d'Isidore Dagnan mais elle me semble sur réelle...
RépondreSupprimerC'est chouette de voir Avignon en peinture, Avignon "du temps longtemps" !
RépondreSupprimerLe paysage urbain était à son début car on ne voit pas trop d'habitations, je pense qu'Avignon s'est étalé au fil du temps...
Très bon week-end !
@ JEANDLER
RépondreSupprimerDans le dessin d'Isabey, il y a plus de ciel au-dessus de la ville. Il y en a moins dans le tableau de Dagnan, c'est ce qui crée cet effet d'étouffement. De plus les points de vue ne sont loin d'être identiques. Quant au laps de temps qui sépare les deux œuvres, la fiche du musée Calvet n'indique pas la date du tableau de Dagnan, juste celle de son acquisition. C'est sur le site MuseTrek que j'ai trouvé mention de la date. Si c'est bien 1833, il y a effectivement trois ans entre les deux.
@ AVIGNON
Chez Isabey, il y a tellement de liberté dans les proportions (sans parler des créneaux couronnant le clocher de ND des Doms) que je me demande à partir de quoi il a fait ce lavis. Comme son élève Jongkind, il prenait des notes dans ses carnets de croquis
et travaillait ensuite beaucoup en atelier.
Oui, en trois ans les choses ont dû un peu bouger...
@ PATRIARCH
Surtout Avignon au XIXème siècle !
Bises et bonne fin de semaine.
@ CLAUDE
Si tu aimes les tableaux d'Avignon, tu vas être contente, j'en ai toute une collection en attente !
C'est ce qui est intéressant dans ma démarche, j'apprends moi aussi un tas de choses historiques que j'ignorais, ou que j'avais un peu oubliées ;-)
@ CLAUDIALUCIA
Oui, tu as raison de le souligner, les points de vue sont différents. De plus, je le mentionne à la fin de mon billet, Dagnan ne se sentait pas obligé de "photocopier" ce qu'il voyait. Et j'ai l'impression que c'est un peu la même chose pour Isabey. Remarque comme le tablier du pont est propre et net en 1836, alors que trois seulement auparavant il était tout délabré... Cette photographie offre une bonne base de comparaison pour ce qui est des proportions.
@ NATHALIE
Désolée Nathalie, j'ai essayé de resserrer au maximum, mais ça ne suffisait pas. Il aurait fallut que je place carrément les deux vues l'une au dessus de l'autre. Personnellement, pour comparer je préfère cliquer sur chaque image, ce qui les ouvre dans des onglets côte à côte, permettant ainsi de passer très facilement de l'une à l'autre.
Il y a un format plus grand du lavis d'Isabey sur la galerie Martel
Question commentaires, je doute que ce billet parvienne à battre le record de celui de Jongkind !
@ CHRI
Oui, la lumière du Dagnan me semble bizarre. Il se peut que ce soit dû à la photographie (je l'ai copiée sur le site de Calvet). Histoire de vérifier, il faudrait aller faire un tour dans le vestibule du musée Calvet, c'est là que ce tableau est exposé.
@ ENITRAM
Mis à part les arbres qui ont considérablement poussé et les maisons adossées au rempart qui ont été abattues, ce que l'on voit de cette partie là de la ville sous cet angle n'a guère changé.
La grande différence ce sont les véhicules qui circulent sur la rive et les bateaux qui ont disparu, ce bras-ci du Rhône étant devenu le "bras mort" depuis que les écluses en aval les ont intervertis.
Belle et bonne fin de semaine à toi aussi
@ ENITRAM again
RépondreSupprimerLes écluses en amont, pas en aval !
Tilia,
RépondreSupprimerTu devrais faire la même chose pour d'autres villes, une mine d'informations pour chaque curieux que nous sommes. En plus d'un choix minutieux et recherché des œuvres qui accompagne chaque sujet :-)
@DETAILS
RépondreSupprimerQuelle ville me proposes-tu ?
Les recherches sur les peintres ayant "croqué" Avignon me prennent énormément de temps et pour l'instant j'ai du pain sur la planche, avec plusieurs billets en attente de compléments d'information. De plus, j'ai en réserve les vues d'Avignon d'une bonne vingtaine de peintres des dix-neuvième et vingtième siècles, dont certains sont très connus.
Avignon est ma ville natale et j'y ai vécu un bon quart de siècle, j'y suis donc très attachée. Les autres villes où j'ai habité n'ont pas pour moi le même attrait. Nîmes, peut-être, fera exception... mais pas avant un certain temps !
On entre ici dans une vision romantique de la ville. Il me semble que la ville était déjà paysage, dès que le paysage est entré en peinture et ce même avant l'invention de la perceptive. Les exemples que tu donnes restituent une atmosphère, la lumière avant tout, il ne s'agit pas vraiment de relevés.
RépondreSupprimer@ FARDOISE
RépondreSupprimer"l'invention de la perceptive"... j'aime bien ton lapsus digitalis ;-)
Car il s'agit bien ici de perception, même si, comme l'a fait très justement remarquer Michel, le pont St Bénezet dessiné par Isabey n'est pas placé dans la bonne perspective.
Chacun perçoit le paysage à sa façon et la notion de paysage urbain ne semble pas la même pour tout le monde. Voir ce qu'en dit Marcel Roncayolo à la page 16 de cet ouvrage.
Si je connaissais Isabey, (plus que par le nom qu'il a laissé à ma marque de pinceaux favorite lol) j'ai eu la joie de découvrir Dagnan, et je suis subjuguée par la lumière de son Pont d'Avignon !Encore un "wouaouh" poussé devant ton blog !lol
RépondreSupprimerbisous
@ NATHANAËLLE
RépondreSupprimerSi d'aventure, tu passes un jour par Avignon, ne manque pas d'aller voir cette Vue d’Avignon et du pont saint Bénezet d'Isidore Dagnan. Ce tableau se trouve dans le vestibule du musée Calvet, rue Joseph Vernet.
Il y a bien d'autres trésors de peinture susceptibles de te plaire à Avignon. Non seulement au musée Calvet, mais aussi au Petit Palais et au musée Angladon.