Lorsque les mots, les images et la musique se répondent...
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Les Néréides
J’ai dans ma chambre une aquarelle
Bizarre, et d’un peintre avec qui
Mètre et rime sont en querelle,
— Théophile Kniatowski.
Sur l’écume blanche qui frange
Le manteau glauque de la mer
Se groupent en bouquet étrange
Trois nymphes, fleurs du gouffre amer.
Comme des lis noyés, la houle
Fait dans sa volute d’argent
Danser leurs beaux corps qu’elle roule,
Les élevant, les submergeant.
Sur leurs têtes blondes, coiffées
De pétoncles et de roseaux,
Elles mêlent, coquettes fées,
L’écrin et la flore des eaux.
Vidant sa nacre, l’huître à perle
Constelle de son blanc trésor
Leur gorge, où le flot qui déferle
Suspend d’autres perles encor.
Et, jusqu’aux hanches soulevées
Par le bras des Tritons nerveux,
Elles luisent, d’azur lavées,
Sous l’or vert de leurs longs cheveux.
Plus bas, leur blancheur sous l’eau bleue
Se glace d’un visqueux frisson,
Et le torse finit en queue,
Moitié femme, moitié poisson.
Mais qui regarde la nageoire
Et les reins aux squameux replis,
En voyant les bustes d’ivoire
Par le baiser des mers polis ?
A l’horizon, — piquant mélange
De fable et de réalité, —
Paraît un vaisseau qui dérange
Le chœur marin épouvanté.
Son pavillon est tricolore ;
Son tuyau vomit la vapeur ;
Ses aubes fouettent l’eau sonore,
Et les nymphes plongent de peur.
Sans crainte elles suivaient par troupes
Les trirèmes de l’Archipel,
Et les dauphins, arquant leurs croupes,
D’Arion attendaient l’appel ;
Mais le steam-boat avec ses roues,
Comme Vulcain battant Vénus,
Souffletterait leurs belles joues
Et meurtrirait leurs membres nus.
Adieu, fraîche mythologie !
Le paquebot passe et, de loin,
Croit voir sur la vague élargie
Une culbute de marsouin.
Théophile Gautier - Émaux et Camées
Sirènes Teofil Kwiatkowski - 1845 - Musée des princes Czartoryskich, Cracovie |
À propos de Teofil Kwiatkowski, Théophile Gautier écrivait « Parmi les portraitistes au pastel, le Polonais Théophile Kwiatkowski serait fort connu s’il jouissait d’un nom prononçable ». La peinture ci-dessus est la version à l'huile de l'aquarelle que Théophile Gautier possédait dans sa collection personnelle et qui l'a inspiré pour son poème Les Néréides.
Pour compléter le tableau, s'il est un lieu musical dans lequel j'imagine bien s'ébattre des néréides, c'est la Grotte de Fingal, merveilleuse composition de Felix Mendelssohn pour sa célèbre ouverture Les Hébrides.
©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2011
très belle présentation pour ce poème.... Bises
RépondreSupprimerLes mots , la musique , les images, c'est une harmonie où le timbre de vent nous emballe en fresques de beauté , de douceur , où Mozard nous éléve en splendeur . Je ne peux concevoir une pensée sans musique ...
RépondreSupprimerBonne journée Tilia
Entre les aquarelles, le poème, les image et la musique de la vidéo, on en en pleine culture et beauté, Tilia, Merci.
RépondreSupprimerMerci aussi pour ton com d'hier, je l'ai trouvé charmant.
Coucou !
RépondreSupprimerMon captcha est : "lityla"...
Merci de ce beau moment!
RépondreSupprimerAh J'ai tou de suite reconnu les Sirènes de Kwiatkowski ! (je l'avai aussi choisi pour mon thème de la mer il y a quelques mois) J'adore ce tableau ! AhLalala lol Théophile Gautier etait bien "français" ! lol Kwiatkowski : J'ai un ami qui porte ce nom, car en Pologne c'est comme Dupont ou Martin en France ! lol on le prononce tout simplement "Fiatkowski" lol :D
RépondreSupprimerMerci pour ce poème fantastique, et pour ce moment, les yeux fermés à écouter Felix Mendelssohn...
Bisous Tilia
Nath.
Comme c'est étrange
RépondreSupprimerThéophile Gautier...
"J'ai dit quelque part qu'il ne suffisait pas d'entendre la musique, mais qu'il fallait encore la voir. "
Poétique musicale, Igor Stravinski
On les respire ces jeunes femmes ! Cela paraît presque simple de parler peinture avec des mots pareils.
RépondreSupprimerNul besoin de termes trop techniques pour expliquer une œuvre. Ils détournent l’attention et empêchent souvent la perception intime de celle-ci. La poésie est le mode d’expression le plus accessible pour parler d’art. Encore faut-il avoir le talent de Théophile Gautier.
Je ne connaissais ni le poème ni la musique ! Merci Tilia !
RépondreSupprimerAs-tu trouvé l'auteur du tableau d'henri IV ?
Bonne soirée !
Le WEB permet désormais de réaliser, en combinant divers médias, les correspondances baudelairiennes. J'ai tout particulièrement apprécié la Grotte de Fingal. Merci beaucoup!
RépondreSupprimerJe t'écris en écoutant la musique. c'est vrai, Marie José a raison, grâce à ce beau billet, nous expérimentons les correspondances baudelairiennes.
RépondreSupprimerJuste un petit passage ... bonne soirée
RépondreSupprimer@ À TOUT LE MONDE
RépondreSupprimerMerci pour vos appréciations chaleureuses, je suis heureuse que cette formule vous ait plu et je pense la renouveler quand l'occasion se présentera.