samedi 28 avril 2012

Avignon au printemps




Dans son blog, Peter Worsley, artiste peintre d'origine anglaise vivant actuellement en Californie, raconte son voyage en France au printemps 2008. Un voyage organisé qui débutait à Paris avec la visite des musées et se poursuivait en autocar jusque Chalon-sur-Saône pour y prendre le départ d'une croisière fluviale descendant la Saône et le Rhône jusque Arles et Avignon.


Saturday at Avignon
Peter Worsley - 2008
notice du peintre

Dans le tableau ci-dessus, les avignonnais auront sans doute reconnu un angle de la place Pie. (telle qu'elle se présentait en 2008, avant les récents travaux de restructuration) avec ses terrasses de café très animées dès les premiers beaux jours. Pour voir dans Google Maps cet endroit de la place Pie, cliquez ici.

En relatant dans son blog sa découverte de la cité des papes par une belle matinée de printemps, Peter Worsley précise que c'est un samedi qu'il a débarqué à Avignon. ce qui explique le titre de ce tableau.  Dans sa note, il parle à juste titre de "la place centrale". Quoique moins connue des touristes que la place de l'Horloge ou la place du Palais des papes, la place Pie occupe effectivement le centre d'Avignon intramuros.

Cent quarante ans avant Peter Worsley, Pierre Grivolas a peint le Marché de la place Pie, à une époque où les Halles n'existaient pas encore.


Le Marché de la place Pie
Pierre Grivolas - 1868
Musée Calvet, Avignon (notice)

Le peintre avignonnais Pierre Grivolas était membre du Félibrige, une association littéraire fondée en 1854 par le poète Frédéric Mistral pour la renaissance et la protection de la langue provençale. Selon ses statuts de 1876, le Félibrige a pour but de réunir et stimuler les hommes qui, par leurs œuvres, sauvent la langue du pays d'Oc, ainsi que les savants et les artistes qui étudient et travaillent dans l'intérêt de ce pays.

Photo prise par Peter Worsley
(ne pas copier SVP)
Voila qui nous amène vers un autre tableau de Peter Worsley. Terminée deux ans après la fin de son voyage en France, cette peinture a été réalisée d'après l'une des photographies qu'il a prises à Avignon, lors de son passage en 2008.

L'absence de personnage sur la photo qui a servi de modèle au tableau s'explique par le parti pris du peintre. Peter Worsley réalise des scènes de rues en assemblant des photos de paysages urbains avec des instantanés de personnes pris au hasard de ses rencontres.

Almost home
Peter Worsley - 2010
notice du peintre

Dans ce tableau, la jeune femme chargée de ses emplettes vient très certainement de la rue Saint-Agricol et elle se dirige vers le Palais du Roure, une demeure également connue sous le nom d'Hôtel de Baroncelli-Javon, qui fut l'un des foyers du Félibrige à l'époque de Mistral.

Cette ruelle, qui relie la rue Saint Agricol à celle du Collège du Roure, se nomme rue Émile Espérandieu. Elle a été ainsi baptisée en hommage à Émile Espérandieu, un commandant d'infanterie et célèbre archéologue qui épousa en 1836 Jeanne Mellier, veuve d'Aymar de Flandreysy, elle-même fille d'archéologue et égérie du poète Mistral.

Selon Joseph Girard dans Évocation du vieil Avigon, auparavant cette rue très courte s'appelait rue de la Coquille, en raison d'une trompe (ou coquille) pratiquée en 1787 à l'angle de la rue St Agricol, ceci afin de faciliter le passage de la voiture du marquis de Baroncelli-Javon. Pour voir cet endroit, cliquez ici.


Rhône in Spring
Peter Worsley - 2009
notice du peintre

Troisième tableau issu de la croisière de Peter Worsley  sur le Rhône au printemps 2008, cette vue de la berge du fleuve en aval du pont Daladier. Construit en 1960, le pont Édouard Daladier a remplacé le pont suspendu qui reliait Avignon à l'île de la Barthelasse depuis son édification en 1843.

Selon son habitude, le peintre a inclus un personnage dans son tableau. Ici, une mère de famille promenant son enfant dans une poussette. Elle se dirige vers l'endroit où les bateaux de croisière accostent. Peter Worsley l'a-t-il vraiment rencontrée à cet endroit en arrivant, ou en repartant d'Avignon ? C'est peu probable, vu qu'à cet endroit le chemin de halage est très proche de la route où la circulation automobile (et donc la pollution au niveau de l'enfant) est abondante. Pour voir l'endroit approximatif d'où Peter Worsley a pris la photo dont il s'est servi pour peindre ce tableau, cliquez ici.

Pour conclure ce billet consacré à la manière dont un peintre anglo-américain contemporain a représenté ses souvenirs d'Avignon, j'ajouterai simplement que ce peintre autodidacte qui, parvenu à l'âge de la retraite s'est tourné vers la peinture pour occuper son temps, m'a favorablement impressionnée. Alors que, comme tant d'autres, il aurait pu choisir de peindre les monuments emblématiques de la cité des papes, Peter Worsley a préféré des endroits moins connus, voire plus confidentiels. Cette preuve d'originalité m'a plu et je me prends à souhaiter qu'en piochant dans le monceau de photographies qu'il a rapporté dans ses bagages, cet artiste trouve l'inspiration de quelques autres tableaux d'Avignon à sa façon.



©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2012


25 commentaires :

  1. Ah oui... Loin, mais pertinente !
    J'ai pris copie de la reproduction du tableau de Grivolas. C'est la meilleure que j'ai rencontré (malgré quelques reflets).
    Peter Worsley reste très absolument fidèle à sa photo. Cette rue d'ailleurs s'appelle exactement (j'ai vu la plaque il y a peu) : rue Émile Espérandieu et Jeanne de Flandreysy. Nommer l'un sans nommer l'autre eut été non seulement inéquitable mais également inélégant.
    Worsley a eu la chance que la vue ne soit pas bouchée par les bateaux-restaurants quand il a pris "Rhône in spring"...
    Tu en fais de ces trouvailles...
    【★】(^_^)【★】

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    1. Dans son article relatant son séjour en France au printemps 2008, Worsley se plaint de la météo parisienne :
      "The weather, starting in Paris, was terrible with rain, sleet, snow, and driving wind. Living for so long in Southern California, I and forgotten how cold it can get. But we had anticipated the bad weather and had all the right clothes. Inside the Museums we were well protected. By the time we reach the south of France, the weather improved with occasional periods of sunshine, and even warmth."

      Et dans la notice accompagnant Almost Home, il écrit :
      "A woman, laden with shopping, approaches an open door at the end of a courtyard, somewhere in France. Where has she been ? Where is she going ? From her coat, hat, and scarf, the weather looks cold. Is a warm welcome awaiting her ?".

      Le printemps 2008 n'était donc pas meilleur que celui de cette année (voire pire en région parisienne !)

      Pour Grivolas, j'attends avec intérêt ta publication, car j'ai un peu de mal à situer l'endroit exact de sa scène de marché sur la place Pie actuelle...

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    2. Le voilà l'endroit. Il est très reconnaissable.
      http://avignon.midiblogs.com/archive/2011/05/01/cent-an-apres-carriero-d%C3%B3u-viei-sestie-3.html
      C'est super, parce que j'attendais justement une bonne reproduction. Ce sera donc un "cent-quarante-quatre ans après"...

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    3. C'est bien l'endroit que je pensais !
      Cependant le bâtiment à gauche du tableau me pose problème. Appartient-il à la rue du Vieux-Sextier, ou à la place Pie (à l'emplacement des futures Halles) ? Je penche pour le second cas.
      Y aurait-il, à ta connaissance, une photographie d'archive de ce qui correspond à l'îlot 68 sur le plan de 1836 ?

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    4. La maison de gauche aux volets verts est la première maison de la rue du Vieux-Sextier.
      À l'extrême gauche, dans la zone sombre, on voit en effet une maison qui appartenait à l'îlot détruit pour construire les Halles.
      Je ne connais aucune photo de cet îlot. Je découvre pour la première fois avec ce tableau la représentation d'une partie de l'une de ses maisons !

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  2. Je connais peu Avignon, bien que nous y avons eu un neveu qui y a eu une échoppe de cordonnier et d'imprimeur (Carte de visites ou autres bricoles...
    Bon dimanche avec bises

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    1. Des bises pour toi aussi, mais moins violentes que celle qui souffle en ce moment sur les Alpes !

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  3. On revient toujours à ses premières amours, à notre grand plaisir.

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    1. Dans mon cas ce sont surtout mes racines. Bien que je vive maintenant depuis plus de trente ans en banlieue parisienne, Avignon reste et restera toujours ma ville, celle où j'ai passé les trente premières années de ma vie.

      Merci pour ta fidélité et bon début de semaine, Alba

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  4. Bonjour Tilia,

    Ce peintre amateur fait ce que j'aimerais faire lorsque je voyage. Étant revenue depuis peu au dessin -longue histoire!- je rêve de faire des journaux de voyage illustrés à la manière de Delacroix...

    J'ai lu la description de la méthode de Worsley. Internet nous permet ce genre de découverte, et c'est un apport important.

    Dites-moi une petite chose : j'ai lu la section de l'histoire des Halles d'Avignon et regardé le diaporama qui montre l'évolution des Halles. Bien qu'elles soient légèrement plus tardives que les Halles de Paris, elles relèvent encore de l'architecture du fer sans être toutefois aussi «ouvragées» que l'oeuvre de Baltard. Avez-vous d'autres renseignements sur l'architecte de ces Halles avignonnaises, car on parle seulement des ateliers de construction de la Gabelle de Marseille, et Google n'est pas très bavard nous renvoyant immédiatement à l'impôt.

    Je m'intéresse aux Halles à cause du Ventre de Paris de Zola que j'enseigne depuis quelque temps.

    Merci pour toutes ces découvertes!

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    1. C'est le serrurier avignonnais Noël Biret qui réalisa la ferronnerie de ces Halles.
      Voici quelques images de l'époque :
      - Le chantier en 1898
      - Le début de la construction en 1898
      - Les ouvrier en 1899
      - La facture de Biret
      J'ai réalisé un diaporama pour l'association du quartier des Halles qui s'appelle justement "Le ventre d'Avignon". Cela pourrait vous intéresser.

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    2. @ MARIE-JOSÉE
      Question peinture, il n'y a pas d'âge pour s'y mettre. Worsley n'est pas un cas à part. Il me semble que sa méthode s'apparente au collage, puisqu'il prend appui sur des éléments disparates.

      Michel a parfaitement répondu à votre question, c'est lui le spécialiste du Ventre d'Avignon :)

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  5. Réponses
    1. Merci Michel, d'avoir si parfaitement répondu à la question de Marie-Josée.

      Les liens vers le projet Gabelle ne fonctionne qu'en actualisant la page. Heureusement, il suffit de le faire une seule fois sur l'une des images pour que le logiciel des Archives Municipales se mette à jour et fonctionne durant toute la consultation.

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  6. Belle découverte, j'aime bien le deuxième tableau représentant la femme qui passe par la ruelle...
    On reconnaît bien les lieux, j'ai l'habitude de passer par là.
    Tu as tout à fait raison, le chemin de halage est à déconseiller avec le passage incessant des voitures sur ce côté des berges, mais il a laissé parler son imagination !
    bisous
    Danielle

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    1. L'imagination ! c'est bien ce qu'il y a de plus précieux en Art. La femme dans la ruelle est totalement inventée, mais sans elle le tableau n'en serait pas un, ce ne serait que la simple copie d'une photographie.

      Les parents qui promènent leur bébé en ville dans une poussette, où il a le nez pratiquement au niveau des pots d'échappement des voitures, sont les mêmes qui s'étonnent que leur enfant ait des bronchites asthmatiformes à répétition.
      Dernièrement, alors que je me trouvais dans une voiture immobilisée dans un embouteillage, moi qui n'ai jamais eu d'asthme de ma vie, j'ai eu une crise de toux avec de grosses difficultés à respirer.

      Bises en retour et bonne semaine, Danielle

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  7. Ouf, ils ont changé le pont suspendu ! C'est fou les cauchemars que j'ai pu faire à cause d'un pont comme celui-là sur la Saône, c'est ce que je racontais à Maylis de Kerengal lors d'une rencontre... Son livre m'a réconcilié avec les ponts ! Et je ne te parle pas de celui de Normandie et Tancarville...
    En tout cas c'est un vrai plaisir de suivre la description de ta ville tant aimée par la peinture.
    J'aime bien "almost home" !
    Bon week-end ! Bises

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    1. Dans mon enfance, mes parents avaient des amis qui demeuraient dans l'île de la Barthelasse. Il m'est donc arrivé plusieurs fois de les accompagner rendre visite à leurs amis. Pour y aller, il fallait emprunter le pont suspendu au-dessus du Rhône.
      La partie piétonne du pont était constituée d'un trottoir en planches, dont certaines manquaient. Pour un adulte, ce n'était qu'un petit pas à faire pour enjamber le trou. Mais pour l'enfant que j'étais, c'était une véritable terreur d'apercevoir les tourbillons du fleuve et de devoir faire un grand pas pour passer au-dessus du vide, surtout que certains jours le vent faisait balancer le pont !!!
      Tu imagines sans peine le nombre de rêves angoissants que j'ai pu faire à cause de ce pont.

      Bises et bon début de semaine, Enitram

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  8. Et le prétexte d'une agréable et quelque peu romantique promenade dans Avignon où l'Ancien au moderne se marie. Tous les Américains ne sont pas gens pressés et savent faire du vrai tourisme de découverte.

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    1. Effectivement. Peter Worsley parvient à rendre avec le même bonheur l'aspect moderne de la place Pie et l'atmosphère ancienne de la ruelle menant au palais du Roure, ce qui montre bien l'ampleur de son talent.

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  9. Bonjour Tilia,
    Vraiment j'aime beaucoup ce tableau "Almost Home". Décidément, vous avez un sacré talent pour aller dénicher LA toile, sur le site par ailleurs bien chargé du peintre Peter Worsley. Encore bravo pour toutes ces recherches partagées ainsi que pour la façon dont vous savez les mettre en lien.
    Amitiés

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    1. Votre commentaire me fait doublement plaisir, Hazlo. Je suis heureuse d'avoir de vos nouvelles et de savoir que vous aussi vous aimez particulièrement "Almost Home". Pour moi, cette jeune femme devant ce portail gothique est un condensé de l'ambiance avignonnaise.
      Merci pour le compliment et pour votre fidélité.
      Amitié partagée

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