vendredi 10 décembre 2021

Le mystère Charlez - 3

 
Charlez en grande partie démasqué !

L'auteur de ce tableau n'est plus une énigme.


Voici donc, d'après les actes d'état-civil, notices d'archives municipales, et autres document accessibles par l'internet, une petite biographie du mystérieux "Charlez" dont la signature figure en bas du tableau de l'Entrée des Eaux conservé au musée de la Chartreuse, à Douai.

Les premières illustrations de ce billet sont toutes des tableaux de Camille Corot. Ils ont été peints entre 1851 et 1874, à l'époque des séjours de Corot dans le Nord de la France, principalement chez son ami Constant Dutilleux, natif de Douai, qui s'était établi à Arras.



La route de Sin-le-Noble, près de Douai
Camille Corot - 1873
Musée du Louvre, Paris



CHARLEZ est né le 10 janvier 1888 à Sin-le-Noble (Nord). Peut-être dans l'une de ces maisons de la rue Carnot (anciennement rue du Buhot). Lorsque son père l'a déclaré à l'état-civil, il l'a prénommé Maurice.
Joseph serait son second prénom, mais il ne figure pas sur son acte de naissance. Seule sa fiche militaire le mentionne, comme nous le verrons plus loin.

Son père se prénomme Clovis Roch Joseph, il est né en 1852 à Estrées. Au moment de la naissance de son fils Maurice, Clovis Charlez est alors âgé de 35 ans, il exerce la profession de couvreur en pannes et il réside avec son épouse et leur fils aîné rue du Buhot à Sin-le-Noble.


Sin (le-Noble) près de Douai, Rue du village au matin - Temps gris
Camille Corot - 1872
collection privée (?)



La mère de Maurice
s'appelle Jeanne Delécluse. Née le 1er Avril 1862 à Wandignies-Hamage, à la naissance de Maurice elle avait vingt-six ans. Avant d'épouser Clovis Charlez (en 1885) elle était servante. Depuis son mariage, elle n'exerce plus de profession. Elle est mère au foyer et élève ses deux garçons. Son fils aîné, le petit Paul Henri Joseph Charlez (né le 30 Mars 1886, à Estrées) n'a que deux ans quand son frère Maurice vient au monde (en 1888).

 

Sin-le-Noble (étude de paysage)
Camille Corot - entre 1865 et 1870
Musée des Beaux-Arts de Lyon

 

En 1892, le 24 avril (quatre ans après la naissance de Maurice)  une petite fille voit le jour dans le foyer Charlez-Delécluse, qui réside alors non plus à Sin-le Noble, mais à Douai, au 81 rue de Paris. La petite sœur de Paul et Maurice se prénomme Jeanne, comme leur maman. Contrairement à ses deux frères, Jeanne Charlez ne quittera jamais sa ville natale.


Environs de Douai, Charrette en vue d’un village
Camille Corot - 1870
collection privée

 

Entre la naissance de Maurice, en 1888, et celle de sa petite sœur Jeanne, en 1892, leurs parents  ont quitté Sin-le-Noble pour venir s'installer à Douai au Chemin d'en Haut, ainsi qu'il est mentionné sur l'acte de naissance de Jeanne. Acte qui indique également que Clovis Charlez est toujours couvreur.

On peut supposer que si sa petite famille a déménagé, c'est sans doute que Clovis a trouvé à Douai de meilleures conditions de travail qu'à Sin-le-Noble. À moins que les trois tremblements de terre qui ont fait pas mal de dégâts à Sin-le-Noble dans le courant de l'année 1891 n'aient été la raison de ce déménagement... :

"Le 19 janvier, les habitants furent très impressionnés par deux secousses, dont la 1ère fut assez forte pour déplacer des meubles. Le 15 avril, trois trépidations se produisirent dans l'espace de cinq minutes. Dans les maisons, tous les objets ont été déplacés et dans les rues, des cheminées de briques  se sont abattues. Enfin le 25 septembre des maisons furent lézardées." (extrait du dernier paragraphe, au bas de cette page).


Douai, glacis des fortifications, près la porte Notre-Dame
(le peintre assis à son chevalet est Constant Dutilleux, ami de Corot)
Camille Corot - 1854
collection privée (lire la notice)


Maurice Charlez n'est pas né à Douai
par contre il y a grandi



De sa petite-enfance à Sin-le-Noble, Maurice Charlez n'aura sans doute pas conservé un grand souvenir, surtout si le déménagement de ses parents vers Douai a eu lieu peu de temps après sa naissance.

Dans le billet précédent, consacré à démontrer qu'il y a tout lieu de penser que le peintre représenté de dos sur son tableau de L'entrée des Eaux, nous avons vu que Charlez connaissait très certainement Henri Duhem (1860-1941) qui, soit dit au passage, avait 28 ans de plus que lui.

Maurice Charlez est né en janvier 1888 et Rémy (le fils du peintre Henri Duhem) en octobre 1891. Il n'y avait que deux ans et demi d'écart entre eux deux. Aussi, Maurice Charlez et Rémy Duhem se sont peut-être rencontrés au cours de leur scolarité, dans la cour d'école ou, plus sûrement, au lycée de Douai.



Douai - Le Lycée de garçons, vers 1905



Cette rencontre est d'autant plus probable que les dispositions naturelles de Charlez pour le dessin l'ont sans doute incité à sympathiser avec ce garçon que tout destinait à devenir peintre, à l'instar de ses deux parents. Un rapprochement qui a très certainement joué un rôle dans l'intérêt de Maurice Charlez pour la peinture.

Quelques mots sur Rémy Duhem :
Il était le fils unique d'un couple de peintres. Sa mère était Marie Sergeant, peintre par vocation, qui fut intéressée et formée à l'art dès sa petite-enfance, quand elle observait le travail des dessinateurs de la manufacture de dentelle dirigée par ses parents.

Autoportrait
Rémy Duhem - 1914
Musée de la Chartreuse, Douai


Après son acte de naissance (1888) sur internet on ne retrouve trace de Maurice Charlez qu'en 1906, les archives départementales du Nord ayant numérisé le recensement de cette année là.

En 1906 Maurice Charlez a 18 ans et il vit toujours à Douai chez ses parents, avec son frère, sa sœur ainsi que leur grand-père, Henri Charlez père de Clovis.

 

Douai - Recensement de 1906


Résumé de ce que le recensement de 1906 nous apprend sur la famille Charlez habitant au Chemin d'en Haut (ce chemin devient rue de Férin en 1910).

- Aucun changement pour Jeanne  (la mère) elle est toujours femme au foyer, bien que Jeanne (sa benjamine) vienne de fêter ses quatorze ans.
- Clovis (le père) est à présent couvreur à l'Arsenal de Douai.


L'Arsenal de Douai en 1907


- Paul, le frère de Maurice, vient d'avoir 20 ans. Comme son père, il travaille à l'Arsenal où il occupe un poste de tourneur.

- Henri Charlez, alors âgé de 82 ans, demeure avec son fils Clovis. La présence de Jeanne  au foyer  est certainement d'un grand réconfort pour son beau-père qui n'est plus très loin du terme de sa vie. Il décèdera dans sa maison du Chemin d'en Haut, le 1er février 1909, à quelques mois de ses 85 ans.







À la sortie du lycée, Maurice Charlez est entré aux Écoles académiques. Les notices de délibérations concernant ses demandes de bourse, entre 1907 et 1909, ainsi que sa récompense de 1909, conservées par les archives municipales de Douai, en font foi.






Au cours de mes recherches, j'ai remarqué que l'orthographe "Charlet" pour "Charlez" est assez fréquent dans les actes d'état-civil du Nord et du Pas-de-Calais. J'en déduis que la prononciation de ce non de famille, quand il se termine par un "z", est la même que pour celle des verbes de la deuxième personne du pluriel (ex : vous parlez).

Lorsqu'une personne nommée "Charlez" donne son nom à noter dans un registre, si elle ne l'épelle pas, celle qui note n'a pas de raison de mettre un "z" à la fin. C'est ce qui a dû se produire lors de l'inscription de Maurice Charlez aux Écoles académiques. On voit sur les notices des archives communales (ci-dessus) que l'orthographe en a été rectifié par la suite.








1909-1911 Service militaire de  Maurice Charlez



Une grande partie des registres des bureaux de Dunkerque, Valenciennes, Cambrai ayant été détruits par faits de guerre, le service des archives du Nord ne dispose plus (pour certaines classes de ces bureaux) que de quelques états signalétiques et des services, très sommairement reconstitués, appelés "Feuillets nominatifs de contrôle". Voir "informations importantes" dans cette page.

La copie d'écran (ci-dessous) montre la page de la table des registres militaires de 1906 où figure le nom de Paul Henri Joseph Charlez (frère de Maurice).





Les lignes barrées dans le document ci-dessus correspondent à des registres manquants,  ce qui fait que la fiche de Paul (frère de Maurice) est perdue.

Un moindre mal, puisque c'est celle de Maurice qui nous intéresse et que, par miracle, j'ai réussi à la dénicher. La voici, recto et verso :


Recto

La seule chose importante sur le recto du Feuillet Nominatif de Contrôle (qui, en dehors de son second prénom, ne nous apprend rien de plus que ce que nous savons déjà sur Maurice Joseph Charlez) est la mention écrite à la main en tête de ce feuillet issu d'un classeur :

ES inspection académique du Gers à Auch
"ES" ?.. pour Enseignement Scolaire, je suppose.
Une mention qui complète fort à propos les informations du verso de ce feuillet.



Verso



C'est donc le verso de cette fiche qui comporte les informations les plus intéressantes grâce auxquelles nous apprenons ce qui suit.
 
En 1909, sa formation artistique aux Écoles académiques de Douai à peine terminée, Maurice Charlez  est incorporé deux mois plus tard, le 7 octobre 1909, à la 3e Compagnie du 3e Régiment du Génie (installé à Arras depuis 1871).



Pas de date pour ce cliché. Dommage.
source



Né en 1888, Charlez faisait partie de la classe 1908 et son incorporation aurait dû avoir lieu un an plus tôt. Ce sont très certainement ses excellents résultats aux Écoles académiques des Beaux-Arts de Douai qui l'ont fait bénéficier d'un an de sursis.

Insigne du 3°régiment
du Génie - Arras
À l'issue de sa période militaire, après vingt-trois mois et dix-huit jours de service en tant que sapeur de 2e classe, le 25 septembre 1911 Charlez  est "envoyé dans la disponibilité".

Un an plus tard, le 26 septembre 1912 Charlez  est "Réformé n°2 par la Commission Spéciale de Réforme de Douai"...

Difficile de savoir ce qui s'est passé entre temps. Le motif de sa réforme n'est pas indiqué sur son Feuillet Nominatif de Contrôle .

Quoi qu'il en soit, maladie chronique ou accident invalidant, à la veille de la Première Guerre Mondiale, avec son statut de réformé Charlez a évité d'être envoyé au casse-pipe.

Jules Leroux (1880-1915) poète et romancier
professeur à l'École Normale et aux Beaux-Arts de Douai
Mort pour la France




En confirmant la situation de Maurice Charlez de manière irréversible, les deux mentions successives : "Maintenu Réformé n°2 par le Conseil de Révision du Gers,  séance du 16 décembre 1914" et "Maintenu Réformé n°2 par la Commission de Réforme du Gers le 24 mars 1917" (conformément à la loi du 20 février 1917) l'ont mis à l'abri d'une mort prématurée.




Charlez professeur de Dessin



Après avoir été "envoyé dans la disponibilité" à l'issue de son service militaire, en septembre 1911, il est plus que probable que Maurice Charlez est retourné vivre quelques temps à Douai, chez ses parents.

Sachant que par la suite on le retrouve professeur de Dessin au lycée d'Auch (Gers) on peut supposer qu'il a commencé par suivre une formation pédagogique à l'École Normale de Douai.





Par ailleurs, à la même période Charlez est crédité pour les Dessins d'un ouvrage publié en 1912 et intitulé "Le chateau féodal de Saint-Jean à Nogent-le-Rotrou : ses transformations dans le cours des siècles" par le Dr Jousset de Bellesme :





Nous avons vu précédemment que la fiche militaire (FNC) de Maurice Charlez porte en tête l'inscription manuscrite suivante : "ES inspection académique du Gers à Auch".

Une recherche portant sur les anciens numéros du Bulletin officiel du Ministère de l'Éducation Nationale confirme que Charlez a bien enseigné le Dessin au lycée d'Auch, sans doute depuis 1913 ou 1914, comme l'indique la mention "Maintenu Réformé n°2 par le Conseil de Révision du Gers,  séance du 16 décembre 1914" de son Feuillet Nominatif de Contrôle.


Ancien collège de Jésuites, puis lycée (actuellement collège Salinis) du temps où Charlez y enseignait ce lycée était en fait un collège (enseignement secondaire de la 6e à la 3e) dénommé "Petit Lycée" :




De nos jours, à Auch, l'entrée de l'ancien "Petit Lycée" n'a pas beaucoup changé, cliquez ici pour le voir et vous déplacer dans Google maps.

Ci-dessous, l'extrait du Bulletin officiel du Ministère de l'éducation nationale de 1916 informe que, parmi d'autres professeurs de Dessin, Charlez est promu de la 6e à la 5e classe.

Un autre document officiel (ci-dessous) nous apprend que huit ans plus tard, en 1924, Charlez occupe toujours la chaire de Dessin au lycée d'Auch. Mais peut-être plus pour très longtemps...
Alors, Charlez a-t-il réellement choisi de quitter le lycée d’Auch en 1924 pour aller enseigner le Dessin dans un lycée de Paris, ou de la Seine-et-Oise ?


Plus aucun mystère
sur cette question :

Ma découverte de la nomination de Maurice Charlez à la distinction honorifique d'
Officier de l’Instruction publique publiée dans le Moniteur du Dessin en 1934, rallonge de dix ans (après 1924) sa carrière de professeur au lycée d'Auch.

Illustration ci-contre :
palme d'Officier de l’Instruction publique


Sa fiche militaire indiquant qu'il a été maintenu "Réformé n°2" par le Conseil de Révision du Gers en 1914, vu qu'il faut justifier de 15 ans d'ancienneté en tant qu'enseignant pour être nommé Chevalier de l’Instruction publique et qu'il est nécessaire de justifier de 5 ans d'ancienneté dans le grade de Chevalier pour accéder au grade d'Officier, en 1934 Charlez (alors âgé de 36 ans) arrive au total de vingt années d'enseignement au lycée d'Auch en 1934.


Maintenant, une autre chose est  sûre et certaine : Charlez professeur de dessin à Auch est bien le peintre du Canal à l'Entrée des Eaux de Douai. La signature du tableau ci-dessous et la suite de mes trouvailles le prouve.



Jardin au Printemps
Charlez
Vente aux enchères du 08-12-2019 à Châtellerault (lot 452)

 
Le titre donné à cet autre tableau de Charlez, "Jardin au Printemps", indique que les professionnels des ventes de tableaux (commissaire-priseur ou expert) n'ont probablement pas identifié le bâtiment qu'il représente.

Pour identifier le bâtiment de ce "Jardin au Printemps", soit il faut habiter Auch et bien connaître ses monuments historiques au point de pouvoir les reconnaître au premier coup d’œil. Soit il faut, comme je l'ai fait en enquêtant, commencer par apprendre que Maurice Charlez a vécu et enseigné pendant au moins dix ans à Auch et, sachant cela, entreprendre une recherche laborieuse en examinant des photos anciennes de la ville d'Auch (cartes postales et autres) pour finir par tomber pile :





À l'époque où Charlez enseignait au lycée d’Auch, le collège de jeunes filles (en réalité un lycée) était installé dans les bâtiments du Prieuré de Saint-Orens qui ont survécu à la démolition de l'église au tout début du XIXe siècle.

À Auch, cet ancien monastère bénédictin (utilisé de nos jours comme centre de formation) se trouve en face du pont du Prieuré. Ce qui n'est pas très loin du Collège Salinis, l'ancien Petit Lycée de garçons où Charlez enseignait le Dessin.
 
Il est donc probable qu'à un certain moment Charlez a également assuré les cours de Dessin du Collège de Jeunes Filles et que, par une belle journée de printemps, il a planté son chevalet dans la cour de ce collège pour peindre la tour du Prieuré.



Charlez en Corrèze





En 1916
, l'année durant laquelle Charlez passe de l’enseignement des classe de 6e à celui des 5e, son frère Paul (mobilisé à Tulle) épouse en justes noces une native de Saint-Flour (Cantal) prénommée Jeanne. Une Jeanne de plus dans la famille, la mère et la sœur des frères Charlez portant ce prénom. En outre, coïncidence extraordinaire, Jeanne Gaillabaud est née la même année que Jeanne sœur de Paul et Maurice.




L'installation de Paul Charlez en Corrèze démarre en 1917 à Tulle, ville où (après leur mariage à Limoges) Paul et Jeanne ont trouvé à se loger et où ne tarde pas à naître leur fils, en Juin de cette année là. Ainsi, Maurice Charlez est désormais l'oncle d'un petit Maurice Clovis Eugène Charlez.

Puis, en 1920, c'est une petite fille prénommée Paule qui voit le jour au sein du foyer de Paul et Jeanne, et c'est ainsi que Maurice Charlez  accède au grade de "tonton" une seconde fois.

 
Les archives de Tulle consultables en ligne sont sur le site des archives départementales de la Corrèze dont les registres digitalisés ne vont pas au-delà de 1902. Il ne m'a donc pas été possible de vérifier l'adresse de Paul et Jeanne sur les actes de naissance de leurs deux enfants. Pas grave, puisque nous les retrouvons l'année suivante dans le registre du recensement de 1921.






Le 101 avenue Victor Hugo à Tulle est une jolie maison édifiée en 1906. Peut-être était-ce la demeure de Marguerite et Eugénie Gaillabaud, les tantes de Jeanne qui étaient présentes à la mairie de Limoges lors de son mariage avec Paul Charlez. Ces deux dames étant les grande-tantes de Maurice et Paule (les deux enfants du couple) elles auront sans doute pallié à l’absence de leurs grand-parents, tant côté maternel (décédés) que paternel (trop éloignés, puisque résidant à Douai).


Tulle, l'avenue Victor Hugo vers 1920



N'ayant pas trouvé trace de mariage, ou de naissance, au nom de Charlez à Auch durant les dix années pour lesquelles on a les preuves que Maurice Charlez enseignait au lycée (entre ses 26 et 36 ans), il se peut que qu'il soit resté célibataire, ou du moins sans descendance.

Actuellement, pour se déplacer de Auch à Tulle  par le train (TER) il faut compter au minimum six heures trente de trajet. Il y a un siècle, l'état du réseau ferré entre ces deux villes  n'était surement pas plus développé (voire moins) qu'à notre époque. Alors, malgré son affection pour la petite famille de son frère Paul Charlez n'a peut-être pas fait souvent le voyage pour aller voir son neveu et sa nièce à Tulle.





La gare d'Auch étant un terminus, elle va donc servir de lien à l'approche du terminus de mon enquête concernant Maurice Charlez.  Comme je l'ai écrit plus haut, l'une des dernières traces que j'ai trouvées le concernant est cet extrait du journal officiel indiquant que M. Charlez est inscrit sur la liste d'aptitude aux fonctions de professeur dans les lycées de la Seine et de Seine-ot-Oise. pour une année, à compter du 10 juillet 1924. La dernière étant celle de sa promotion au grade honorifique d'Officier de l’Instruction publique dix ans plus tard, en 1934.

Sa fiche militaire (reconstituée le 20 oct. 48) mentionne Douai comme domicile (ou résidence) le 14 octobre 1948, soit quelques mois après le décès de sa mère. Il s'agissait peut-être d'une résidence temporaire, le temps de régler la succession de ses parents. 1948 étant l'année de ses soixante ans, il est probable que Charlez, ayant l'âge de la retraite, soit dès lors allé rejoindre son frère Paul en Corrèze.




Le dernier parti ferme la porte

 

À partir de 1932 les informations en relation avec Maurice Charlez ne sont plus qu'une cascade d'actes de décès de ses proches :

- son père Clovis, 80 ans (en 1932 à Douai)
- sa mère Jeanne, 86 ans (en 1948 à Douai)
- son frère Paul, dans sa 84e année (en 1970, à Vigeois)
- sa belle-soeur Jeanne, à 79 ans (en 1971 à Vigeois)
- sa sœur Jeanne, dans sa 81e année (le 3 janvier 1973, à Douai)

Ainsi, c'est à 85 ans que Maurice Charlez est parti en dernier, le 29 janvier 1973 (même mois et même année que sa sœur Jeanne) dans ce village corrézien de Vigeois où son frère Paul et sa belle-sœur Jeanne avaient élu domicile, et où ils venaient récemment de terminer leurs vies.


Vue aérienne de Vigeois (Corrèze) avec le pont sur la Vézère et la gare SNCF




Dans mon précédent billet je vous avez annoncé deux belles surprises. La première étant le tableau de Charlez baptisé "Jardin au Printemps" (faute d'avoir été identifié comme représentant la tour du Prieuré de St Orens à Auch).

Voici la seconde :





C'est un tableau qui a été vendu à Bilbao en 2016 (sous le titre "Lanscape with people" !!!)


Pour ma part, je suis persuadée qu'il représente un chemin de Vigeois dans les années 50-60. Le bâtiment de gauche est typique de ces petites constructions agricoles qui servaient aussi bien de soue à cochons que de séchoir à châtaignes (sécadou), ou encore de four à pain.




Mise à jour du 11 décembre 2021 :

Une remarque judicieuse de ma fille (enseignante) m'incite à modifier mon paragraphe de la partie "Charlez professeur de Dessin" en ce qui concerne la "promotion de la 6e à la 5e classe" en 1916.  Il ne s'agit pas de classe d'élèves (comme je l'avais ingénument imaginé) mais de classes honorifiques. Aussi, je suis allée consulter ce document sur la réforme de l'enseignement du dessin, dans lequel j'ai découvert (page 26) l'existence du Moniteur du Dessin, revue professionnelle destinée (entre autres) aux  professeurs de dessin.

En recherchant Moniteur du Dessin dans Gallica-BNF, j'ai eu le bonheur de faire une découverte importante à propos de la carrière de professeur de Maurice Charlez à Auch, il a été nommé Officier de l’Instruction publique en 1934. Ce qui m'amène à remanier quelque peu mon billet pour y inclure cette information et à répercuter les modifications correspondantes afin de respecter la chronologie de mon enquête.




©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2021

26 commentaires :

  1. Une enquête fouillée et des tableaux d'une grande sensibilité.

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    1. Merci d'apprécier mon travail et mes choix, Manouche. Merci aussi pour ta fidélité au grenier.

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  2. Tout ce qu'il faut maintenant pour créer une super page Wikipedia !
    Ou pour éditer une monographie ?

    J'ai bien admiré les toiles de Corot, tu t'en doutes.
    :D

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    1. Ni l'un ni l'autre : le sujet n'est sans doute pas clos et techniquement ce n'est pas dans mes cordes. Si deux tableaux de Maurice Charlez sont apparus ces dernières années (2016 et 2019) il peut y en avoir d'autres à venir.
      En outre, une biographie s'arrêtant à 36 ans (alors que Charlez a vécu jusque 85) c'est très incomplet et ça ne fait pas très sérieux !
      Si j'en ai le temps, il se pourrait que je me décide à interroger le musée de la Chartreuse et le service des Archives de Douai. Il se pourrait aussi que j'essaie de contacter d'éventuels descendants du neveu, ou de la nièce, de Paul Charlez.

      Le virage de Corot entre sa première et sa seconde manière (avant et après 1870) me surprend toujours. Son étude de Sin-le-Noble (peinte entre 1865 et 1870) est un bel exemple de la transition.

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  3. Coucou Tilia.
    Woooouuuuaaaaffff!
    Que enquête digne d'une historienne.
    Il va me falloir plus temps pour tout lire décortiquer...
    "Michel Benois" a tout a fait raison la publication dans "Wikipedia" est de mise.
    Passe un agréable weekend, A +

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    1. Hello Daniel,
      Merci pour le compliment.
      J'ai répondu à Michel Benoit que techniquement créer une page Wikipédia n'est pas du tout dans mes cordes. Surtout que je n'en ai ni le temps ni l'envie :-)

      Bonne fin de semaine à toi aussi, bises

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  4. Comme Daniel, je vais prendre mon temps pour lire avec attention ton enquête.
    A plus tard.
    Et surtout Bravo !

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  5. Je n'ose penser aux nombres d'heures passées pour ton enquête ! Tu as réussi à faire non seulement une recherche généalogique mais tout un parcours de vie. "Charlez" a bien existé.
    Si j'ai bien compris, le tableau qui a lancé ton enquête était probablement un hommage de au père d'un camarade de classe ?
    En prime tu as trouvé deux autres tableaux et réussi à situer le "Jardin au printemps"
    Qu'as tu éprouvé à la fin de ton enquête ?

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    1. Oui Fifi, pour moi le tableau de l'Entrée des Eaux à Douai est (j'en suis persuadée) un hommage au peintre Henri Duhem.
      Réussir à faire vivre un personnage dont on ne savait rien est effectivement assez gratifiant. Et les découvertes de ses deux autres tableaux récemment apparus sur le marché de l'Art m'ont réjouie. Avoir réussi à situer "Jardin au printemps" a été un moment de pure jubilation, comme tu peux t'en douter ;-)
      Cela dit, je ne considère pas mon enquête comme terminée, il y reste trop de zones d'ombre et il me sera peut-être possible (en y mettant le temps) de les éclaircir...

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  6. Coup de chapeau pour ta persévérance !

    Et coup de coeur tout particulier pour les tableaux de Corot, les deux premiers et le quatrième.

    Il a neigé et je rejoins ton appréhension quand il s'agit de prendre la route. J'ai fait demi-tour ce matin et renoncer au marché.
    Bonne soirée Tilia, bien au chaud.
    Je t'embrasse.
    PS
    Il y a un "de" de trop dans le premier commentaire :-)

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    1. La persévérance (je l'ai sans doute déjà dit ici) fait partie de la nature des Capricornes bien nés ;-)
      Pour Corot, voir ce que j'en dis à Michel Benoit à propos de l'évolution de sa manière de peindre.
      Les deux premiers et le quatrième tableaux de mon billet (peinte entre 1870 et 1873) correspondent à la seconde manière (avec notamment des feuillages plus vaporeux) tandis que le troisième (entre 1865 et 1870) se situe dans sa période de transition. Le cinquième (1854) est typique de la première manière de Corot.

      Prudence est mère de sureté, Fifi ! tu as bien fait de renoncer au marché. De mon côté, c'est la 5e vague qui m'inquiète davantage que la neige, car mon mari (toujours immobilisé) n'a pas encore reçu sa 3e dose.
      Toi aussi prends bien soin de toi et de tes proches.
      Bises chaleureuses et bonne fin de semaine

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  7. Humm.....incroyable travail de recherche , c'est vraiment passionnant de découvrir tout ça ..Merci ..
    Bonne journée à toi
    Bises

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  8. "L'auteur de ce tableau n'est plus une énigme.", une nouvelle trouvaille qui te permet de consolider le résultat de tes recherches.
    Bravo aussi à ta fille. Le travail en équipe est toujours fructueux et riche.
    Je redis mon admiration pour ton talent d'enquêtrice !!!
    Miss Tilia "Marple" je t'embrasse ♥♥♥

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  9. Hé bé ! J'en reste sans voix. Incroyable travail de recherches ! Tu as du y passer des heures.
    En conclusion, Charlez a bien existé et j'aime bien ses tableaux et j'aime bien ceux de Corot aussi.
    Bravo Tilia ! Ton travail est captivant.
    Bises grises !

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  10. Coucou. Sherlock Holmes es-tu! Imparable quand il s'agit de mener l'enquête. Je suis admirative des documents que tu as réussis à trouver pour tracer la vie de ce peintre dont on ne savait presque rien avant de te lire. Je me demandais comment tu avais accès aux archives communales? Est-ce que tu dois te déplacer ou bien il existe une manière de visionner par internet?

    "Jardin au printemps" est magnifique.
    Merci et j'espère que tout va pour le mieux pour toi et ton mari. Bises alpines.

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  11. Bonjour Tilia, ta mise à jour en bas de billet montre bien qu'il ne faut pas lire le passé avec le regard et les connaissances d'aujourd'hui. Bravo à ta fille pour son regard attentif ! Il est vrai qu'elle a les moyens de l'interprétation
    L'autoportrait de Rémy Duhem m'a poussée à sa page Wikipédia car je voulais voir comment elle était illustrée ; mais pas de portrait là, pas de photo non plus. Une toile souvent dit plus qu'une photo. Ah ces yeux limpides, cers cheveux de blé ! Comme si le peintre voualit laisser cette image de lui à la postérité ! J'ai à la maison une huile peinte par ma grand mère représentant son père, sans doute peinte pour complaire à sa mère qui était veuve. On y voit son oeil bleu et la petite rosette de la légion d'honneur.
    Bon, pour en revenir à Rémy Duhem j'ai par l'occasion découvert qu'il était mort au combat en 1915

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  12. Ah Corot ! L'inégalable Corot (qui a séjourné à Rome) et ses paysages sensibles, si sensibles que le bâti semble se fondre dedans. Charlez met en valeur des pans beaucoup plus nets, des arêtes, des volumes, j'adore ! Cela me rappelle des toiles de Vlaminck annonçant le cubisme que j'ai pu admirer lors d'une expo temporaire à lui consacrée au musée du Luxembourg

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  13. Quant à Constant Dutilleux peintre son nom me fait penser au musicien Henri Dutilleux dont je découvre qu'il était l'arrière-petit-fils du peintre et que je connais surtout par une salle portant son nom au conservatoire de musique de Cergy
    Quel article Tilia ! Plein de tiroirs tirés et de portes poussées
    😁.... je ne suis pas sûre pourtant que tu aies dit ton dernier mot !
    Bises (et bon appétit) !

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  14. Belles fêtes, chère Tilia ainsi qu'à tes proches !!
    Une brassée de schmoutz pour accompagner mes voeux :-)

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  15. Comme toi, je fais partie des "ravies" de la crèche :-) Et je crois que c'est une chance. Merci pour ta fidélité "au fil...".
    Ne nous laissons pas submerger par les infos qui n'en finissent pas de plomber cette fin d'année.
    Je te souhaite de belles choses à vivre et à partager avec tes proches. Et, dès que tu auras le temps, de poursuivre ici tes fabuleuses enquêtes.
    Douceur, beauté et tendresse en cette nouvelle année qui se profile à l'horizon.
    Je t'embrasse.

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    1. Grand merci, chère Fifi, pour tes vœux si gentils.
      Tu as raison, pas question de se laisser envahir par la coronaphobie. Mais restons prudents, et souriants en même temps ;-)
      Belle et bonne soirée de réveillon en famille chez toi. Ici nous serons tous les deux en amoureux.
      Grosses bises, je ne vais pas tarder à passer sur ton fil si subtil.

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  16. Bonjour,
    Je possède plusieurs tableaux de ce peintre signé Charlez

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  17. C'est un très beau travail de recherche, et c'est c'est surprenant finalement
    Corot que nous apprécions fut un peintre remarquable, il a du apprécier les paysages lumineux du Gers, du sud-ouest !

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  18. Merci d'être passée chez moi pour me donner envie de revenir sur Blogger (rires) et de découvrir ton époustouflant travail de recherche. Mais, même si c'est trop tôt, Michel a raison, il ne faut pas que ce travail se perde et je ne fait pas trop confiance à google. Tu m'as donné aussi une bonne raison de me mettre à la généalogie. Il y a un bon groupe ici et je n'avais pas de raison familiales de m'y mettre, mais ce type de recherche, oui. Merci, merci.

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