mercredi 1 février 2023

Les Parisiennes de Maurice Branger

Du Café aux Tuileries, en passant par la Bonneterie



 
Après le café Renaud (sujet d'une précédente publication) à la terrasse duquel les modèles ci-dessus ont été photographiées par Maurice Branger en 1926, nous retrouvons cette fois-ci les deux dames du café, posant au bord du grand bassin du jardin des Tuileries.

Qui sont-elles ?

 
Lors de mon enquête de 2015, la piste Djuna Barnes et Solita Solano (suscitée par nombre de photos l'indiquant en légende, sur internet) ne m'a pas convaincue. Djuna Barnes était avant tout une journaliste. Lorsqu'elle a fait quelques photos de mode, c'est Man Ray qui l'a photographiée. Depuis 2015 la question de leur identité, ou du moins de leur statut de mannequin professionnel (si tant est qu’elles en aient eu un) est demeurée en suspens...
 
Cependant, en 2017 l'Ambassade américaine à Paris a publié une des deux photos du café Renaud, ainsi légendée : "Deux mannequins américains prenant la pose de Parisiennes élégantes à la terrasse d’un café, vers 1925. © Maurice-Louis Branger /Roger-Viollet".





Cette photo prise au  jardin des Tuileries, nous montre les deux dames du café le nez plongé, non plus dans leurs tasses, mais dans leurs magazines de mode.

Le fait qu'elles soient identiquement vêtues, à la terrasse du Café, au bassin des Tuileries, ainsi qu'à l'entrée du métro et devant la boutique de lingerie, indique que les six photos ci-dessous ont bien été prises le même jour.







Un détail sur la photo du bassin des Tuileries pourrait faire pencher la balance en faveur d'américaines (ou d'anglaises) mannequins ou non. Il s'agit du magazine, dont j'ai réussi à déchiffrer le titre : Harper's Bazar, qui est celui du mois d'Avril 1926 dans sa version anglaise...









 
Cependant, quand on compare les six photos prises par Maurice Branger un certain jour du second semestre 1926, (souvenez vous la date de l'exemplaire du Sourire reposant sur un guéridon du café Renaud est le jeudi 29 juillet 1926) on n'est pas persuadé de voir là des mannequins en train de présenter des vêtements.

En dehors de la pose de l'une d'elles, un pied sur le bord du bassin des Tuileries, leurs vêtements ne sont pas spécialement mis en valeur
.

Autre chose étrange : que ce soit au café Renaud, près du bassin des Tuileries, devant le plan du métro, ou devant une boutique de lingerie, les deux femmes posent de manière à ce que leurs visages demeurent en partie cachés.
Ce qui pourrait accréditer l'hypothèse d'une lectrice de ce blog, comme quoi il s'agirait des deux journalistes américaines Solita Solano et Janet Flanner dont il a été question dans mon billet intitulé "Deux femmes dans le nombril du monde".
Mais je n'en suis pas persuadée.

En y réfléchissant bien, il me semble à présent que ces photos n'étaient pas des photos de mode à proprement parler. Mais plutôt le genre de photos destinées à illustrer un reportage sur la vie des parisiennes (ou sur le séjour à Paris de deux anglaises) pour le compte d'un magazine féminin anglais, ou américain... Le Harper's Bazaar par exemple !

D'ailleurs, l'hypothèse de mannequins anglaises me semble d'autant plus plausible que Maurice Branger avait également un studio de photographie à Londres.


On peut imaginer, qu'à la demande de Branger, deux jeunes femmes anglaises soient venues spécialement de Londres à Paris et qu'elles avaient rendez-vous avec Maurice Branger pour faire ce petit reportage. Il se pourrait même, que sur le conseil du photographe (dont le studio était situé rue Cambon, non loin du café Renaud) elles aient posé leurs valises à l'Hôtel Richepanse la veille au soir des photos, de manière à être à pied d’œuvre le lendemain matin...

Voici un plan destiné à visualiser les différents lieux de prises de vues, ainsi que l'adresse du studio de Maurice Branger




Comme vous pouvez le constater dans les adresses portées sur le plan ci-dessus, j'ai enfin découvert cellee de la boutique de lingerie devant laquelle la sixième photo de Branger a été prise. Cette dernière énigme une fois résolue va donc clore ma série sur les dames du café Renaud.


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Regardez bien le bas de la vitrine :





Le nom du magasin est "Harry", à sa gauche (en majuscules) on lit BONNETERIE, et à droite HOSIERS. Hosier est un mot anglais qui signifie bonnetier/bonnetière, au pluriel ce peut être bonnetiers, ou tout simplement bonneterie.
Hosiers avec un "s" à la fin pourrait également indiquer que la boutique vend des bas de contention, ou des bas de laine...

Pour obtenir l'adresse de la bonneterie Harry, suivant mon habitude j'ai commencé par la rechercher dans l'annuaire du Commerce Didot-Bottin :


Actuellement, au 382 rue Saint-Honoré la boutique fait partie des magasins Chanel. Mais heureusement,  le logiciel de Street View enregistre les photos de la voiture Google sur plusieurs années. Ce qui m'a permis d'avoir la preuve qu'en 2008, grâce aux travaux d'aménagement de cette boutique qui ont mis à nu les deux colonnes blanches et cylindriques encadrant la porte d'entrée, et dont celle de gauche est bien visible sur la photo de Maurice Branger, sont toujours là :


2008
2008


1926



Vous l'aurez compris, à propos des six photos de Maurice Branger, en dehors de l'année où elles ont été prises (1926) et de leurs localisations précises, je ne suis sûre de rien.
 
Les dames du Café Renaud gardent leur mystère et pour moi c'est très bien comme ça !







©VesperTilia, échos-de-mon-grenier 2023
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15 commentaires :

  1. Coucou Tilia.
    Bravo!
    Quelle recherches tu as du faire...
    C’était si je ne me trompe,"la belle époque"....
    Enfin "belle époque" sans doute pas pour tout le monde, pour les bourgeois bien sur!
    Pas pour mes grand mères en tous les cas ...
    Passe une très bonne journée,
    A +

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  2. Bonjour Tilia !
    J'adore ton côté jusqu’au-boutiste, même si nous ne saurons jamais qui sont ces deux Elegantes. J'ai toujours la photo du Café Renaud et chaque fois que je la vois je pense à toi. J'en ai une autre aussi que j'aime bien : on voit un couple qui danse, je pense, un genre de rock, la femme est blanche et l'homme est noir, cette photo a un goût de Saint Germain des Prés.
    Merci Tilia pour cette prenante enquête, tu es la reine pour cela. Bravo pour ton travail de recherches et ta perspicacité !
    Bonne journée et bises grisounettes !

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    1. Commentaire anonyme GRRRR ! c'est moi Claude

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  3. Maintenant, il serait heureux de retrouver le journal dans lequel a été publié un article sur Paris dont ces photos sont l'illustration... o.O

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    1. ...à moins que j'aie raté quelque chose, je ne crois pas que ce journal ait été identifié...

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  4. En tout cas, enquête bien intéressante !
    On en redemande...

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  5. Je les trouve toujours aussi belles ces deux élégantes.
    Et toi, toujours aussi performante en tant que détective !!!
    La petite fille d'une amie fait des études de détective à Paris. Tu pourrais enseigner. Qu'en dis-tu ?

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  6. Je ne sais pas si on en avait déjà parlé, mais le Musée Angladon, à-n-Avignon, avait organisé une exposition Maurice Louis Branger en 2013.
    http://angladon.com/telecharger/DP_1900-1925.pdf

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  7. Tout simplement passionnant
    Merci pour toutes tes recherches ..j'aime beaucoup toutes ces prises de vues ..
    Bonne journée à toi
    Bises

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  8. Un plongeon dans le Paris des années 1920, quelle enquête as-tu menée ! Chapeau ! Je vais chercher ton autre article sur les inconnues du café Renaud !
    A bientôt !

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  9. Un joli retour en arrière avec es Parisiennes qui savourent la vie au café des tuileries du temps des années folles sous le regard et l'objectif de Maurice Branger , la classe !

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  10. Quelle enquête Tilia... es-tu la scénariste de la série Cold Case ?
    j'admire tes recherches documentées et précises...peu importe le nom de ces ravissantes cette histoire m'a fait rêver.
    Bises enfin gelées sous un soleil d'hiver.

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  11. Merci Tilia pour ce retour en arrière ... j'adore .
    Bisous et bon aprés midi ...
    Thérèse

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  12. Tu essaies de décortiquer le mystère mais finalement, si une part de mystère n'est pas élucidé, ce n'est pas grave. Cette photo fait rêver et nous parle d'une époque révolue. Moi, c'est la pose de la dame à droite de la photo qui me faire sourire. Pas très naturelle pour le bas du dos. Bises alpines.

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